Depuis le 1er mars 2010, les justiciables peuvent mettre en œuvre le « droit » (cf. CC, n° 2009-595 DC, 03/12/2009, réf. JO, 11/12/2009, p. 21381, cons. 3) qu’il leur est reconnu par l’article 61-1 de la Constitution de soulever, « à l’occasion d’une instance », « le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ». Au 1er avril, aucune question prioritaire de constitutionnalité n’a été renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil d’Etat ou par la Cour de cassation. Néanmoins, le volume contentieux paraît d’ores-et-déjà relativement important devant les juridictions suprêmes, à la lecture des données fournies par les institutions elles-mêmes sur leur site Internet (rappel : cliquez ici ).

Pour ce qui est de la Cour de cassation, ce n’est pas vraiment une surprise que de constater que la matière pénale est saisie du plus grand nombre de questions. Celles qui portent sur des débats dépassant la seule sphère juridique sont sans conteste celles sur le régime de la garde à vue et plus particulièrement, sur les limitations de la présence de l’avocat à l’occasion d’une telle mesure, par exemple à l’occasion d’une procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées (article 63-4 du Code de procédure pénale ; par exemple : réf. n° W05-87.754 et autres ; n° K10-90.025). Il faut se rappeler que c’est devant le Tribunal correctionnel de Lyon qu’a été soulevée et transmis à la Cour de cassation la question globale de la « conformité de l’article 63 du code de procédure pénale aux "droits et libertés garantis par la Constitution" » (réf. n° N10-90.004 et autres). Dans la multitude de procédures pendantes devant la Haute juridiction judiciaire, nous relèverons celle à propos du fichier national automatisé des empreintes génétiques (article 706-54 du CPP) et des conditions dans lesquelles peuvent être opérés les prélèvements, soit en vue d’une inscription au fichier, soit en vue d’un rapprochement des empreintes prélevées avec celles figurant déjà dans le FNAEG (cf. réf. n° D 09-88.083). A noter que la Cour de cassation a déjà prononcé « l’irrecevabilité » d’une QPC (arrêt n° 12001) qui mettait en cause l’article 59 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en ce que cette disposition limite à trois jours la durée du délai non franc de pourvoi en cassation sur les décisions rendues en application du régime des « crimes et délits commis par la voie de la presse ». Bien que l’arrêt ne figure pas sur Legifrance, on peut penser qu’il s’agit d’un problème de présentation du moyen « dans un écrit » ou « dans un mémoire distinct et motivé » car ceci constitue la seule « irrecevabilité » à laquelle font référence les dispositions organiques encadrant la QPC.

Le Conseil d’Etat a, quant à lui, déjà rendu un arrêt de « non-examen », daté du 17 mars 2010 (n° 335657, non référencé sur Legifrance) d’un ensemble de QPC ne répondant pas aux conditions prévues à l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Les questions concernaient des articles du Code monétaire et financier sur les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers. Les QPC sur lesquelles doit se prononcer le Conseil d’Etat portent sur des matières extrêmement diverses : domaine fiscal, décentralisation, logement, droit des étrangers…

Les observateurs sont maintenant en attente de ce qui sera renvoyé au Conseil constitutionnel, mais l’imagination des justiciables et de leurs conseils n’a pas fait défaut. Il semble se confirmer que le contentieux constitutionnel va véritablement connaître un nouveau souffle, et avec lui plus largement le droit constitutionnel « vivant ». D’ailleurs, les éditions Dalloz n’ont-elles pas déjà lancé une nouvelle revue de « droit constitutionnel appliqué » (Constitutions) ?