Cass. com. 22 juin 2010 n° 09-14.214 (n° 701 F-D), Carapeto c/ Canet ès qual.

Un dirigeant qui a tenu une comptabilité irrégulière peut être condamné au comblement de passif dès lors que cette faute ne lui a pas permis de connaître l'absence de rentabilité de la société et de déposer le bilan à temps.

Les dirigeants d'une société en liquidation judiciaire peuvent être condamnés à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif, s'ils ont commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif (C. com. art. L 651-2).

Le gérant d'une société en liquidation judiciaire qui avait tenu une comptabilité irrégulière notamment au cours de l'année ayant précédé l'ouverture de la procédure collective a été condamné à supporter une partie de l'insuffisance d'actif.

Il a été jugé que sa faute était en lien avec l'insuffisance d'actif dès lors qu'elle avait privé la société d'un outil de gestion qui aurait permis au gérant de connaître son absence de rentabilité et la nécessité de procéder à la déclaration de la cessation des paiements afin d'éviter une poursuite d'activité préjudiciable aux créanciers. à noter :

Comme toute action en responsabilité, l'action en comblement de passif suppose une faute, un préjudice (l'insuffisance d'actif) et un lien de causalité entre les deux. Par exemple, la responsabilité d'un dirigeant qui avait commis des fautes de gestion n'a pas été retenue dans un cas où l'insuffisance d'actif trouvait son origine non dans ces fautes mais dans la mésentente entre les associés, ceux-ci ayant mis le dirigeant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, ce qui l'avait conduit à déposer le bilan de la société un mois après sa nomination (CA Paris 1-2-2002 n° 99-24938 : RJDA 6/02 n° 673).

Il ne faut pas déduire de la décision ci-dessus que la tenue d'une comptabilité irrégulière contribue nécessairement à l'insuffisance d'actif. Jugé par exemple que la preuve du lien de causalité entre l'insuffisance d'actif et la tenue incomplète du livre journal et du livre inventaire n'était pas rapportée dès lors que la comptabilité était à jour à la date de la cessation des paiements de la société et que le dirigeant disposait donc des éléments nécessaires pour suivre l'évolution financière de la société (CA Paris 29-3-2002 n° 01-9596 : RJDA 2/03 n° 172, 2e espèce).

Au cas particulier, la société avait été mise en liquidation judiciaire immédiate et la date de cessation des paiements avait été reportée de 18 mois : ces circonstances laissent penser que la carence dans la tenue de la comptabilité avait empêché le dirigeant de connaître la situation réelle de la société.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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