Cass. 1e civ. 1er juillet 2010 n° 09-13.896 (n° 676 F-PBI)

Le notaire qui n'a pas commis de faute dolosive peut être exonéré partiellement de sa responsabilité quand la victime a commis également une faute.

Une banque qui avait consenti un prêt pour l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement avait chargé le notaire rédacteur de l'acte de prendre une inscription hypothécaire de premier rang ; s'étant aperçue lors de la procédure de saisie immobilière menée contre l'emprunteur défaillant de l'existence de deux inscriptions hypothécaires primant la sienne, elle avait recherché la responsabilité du notaire.

Une cour d'appel avait condamné le notaire à payer l'intégralité du solde du prêt : la banque avait certes commis une faute en remettant les fonds au constructeur au fur et à mesure de l'avancement des travaux, et non sur le compte de l'étude, ainsi que le prévoyait pourtant l'acte de vente et de prêt ; mais cette faute n'exonérait pas le notaire pour qui elle n'était ni imprévisible ni irrésistible, dès lors qu'il aurait dû contrôler la réception des fonds sur le compte de l'étude, ce qui eût évité la faute adverse.

Décision censurée par la Cour de cassation. La faute de la banque avait concouru comme celle du notaire, laquelle ne revêtait pas un caractère dolosif, à la réalisation du dommage ; elle emportait donc un partage de responsabilité.

à noter

Le notaire peut n'être tenu à aucune réparation du dommage lorsque la gravité de la faute de la victime peut, par sa nature intentionnelle, être considérée comme la cause exclusive du dommage invoqué rompant ainsi le lien de causalité entre la faute du notaire et le dommage (Cass. 1e civ. 26-2-1991 n° 88-14676 : Bull. civ. I n° 73 ; Cass. 1e civ. 17-12-1996 n° 95-13.091 : Bull. civ. I n° 73). Toutefois, le dol de la victime n'emporte pas de façon automatique l'exonération totale de la faute du notaire ; les juges du fond peuvent, soit dispenser le notaire de contribuer à la charge définitive de la réparation, soit de le condamner à une contribution partielle, dans une proportion qui relève de leur appréciation souveraine (Cass. 1e civ. 3-3-1998 n° 95-20.637 : Bull. civ. I n° 92 ; Cass. 1e civ. 18-6-2002 n° 99-17.122 : Bull. civ. I n° 168). Le notaire peut invoquer la responsabilité de la victime pour voir limiter sa responsabilité même s'il a commis un dol (Cass. 1e civ. 1-3-2005 n° 02-20.813 : RJDA 8-9/05 n° 926).

Au cas particulier, le pourvoi du notaire ne critiquait l'arrêt rendu par la cour d'appel que sur le fait qu'il laissait entendre que la faute de la victime n'est exonératoire que si elle revêt les caractéristiques de la force majeure. La Haute Juridiction aurait pu casser cet arrêt en se contentant de dire que ce motif était faux mais elle a pris soin de relever que la faute du notaire ne revêtait pas un caractère dolosif. On peut donc se demander s'il ne s'agit pas d'un revirement de jurisprudence.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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