CA Paris 6 mai 2010 n° 09-14947, ch. 5-9, SA Sony France c/ SA Alifax

La revendication peut s'exercer sur des biens fongibles si, dans le stock de l'acheteur, le vendeur retrouve des marchandises parfaitement interchangeables avec celles qu'il a livrées sans être payé.

En cas de procédure collective de l'acheteur, le vendeur demeuré impayé peut revendiquer les marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété si elles se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure ; cette revendication peut porter sur des biens fongibles, à condition que des marchandises de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains de l'acheteur (C. com. art. L 624-16 nouveau, al. 2 et 3 ; art. L 621-122 ancien, al. 2 et 3).

La cour d'appel de Paris considère que des marchandises (en l'espèce du matériel électronique) ne peuvent pas être fongibles lorsqu'elles font l'objet d'une identification et d'une individualisation par l'apposition d'un code, d'une référence et d'un numéro de série unique et distinct. Une telle différenciation empêche une interchangeabilité parfaite du bien vendu avec un autre matériel de même modèle et de même type. Il en est ainsi même si les marchandises sont de même nature et de même qualité pour le consommateur final.

à noter

La Cour de cassation refuse de contrôler l'appréciation des juges concernant le caractère fongible des biens. Elle estime en effet que les juges déterminent souverainement ce qui est fongible et de ce qui ne l'est pas (Cass. com. 5-3-2002 n° 535 et 19-2-2002 n° 440 : RJDA 7/02 n° 790). Il en résulte une jurisprudence hétérogène des juges du fond. La cour d'appel de Paris a déjà jugé que sont fongibles les biens interchangeables et non individualisés, ce qui n'est pas le cas de produits pharmaceutiques conditionnés sous emballage portant une ou plusieurs indications (date de fabrication, numéro de lot, date limite de vente) permettant de les individualiser (CA Paris 12-5-2000 n° 99-8472, 3e ch. C : RJDA 4/01 n° 482). Elle avait pourtant considéré l'inverse deux ans auparavant en décidant que les médicaments et produits pharmaceutiques étaient des biens fongibles dès lors qu'ils étaient de même espèce et de même qualité que ceux revendiqués, étant interchangeables puisque constituant des produits de même nom et de même origine de fabrication, rejetant l'argument des mandataires judiciaires qui soutenaient que ces produits n'étaient pas des biens fongibles puisqu'ils pouvaient être individualisés par leur date de fabrication, leur numéro de lot et leur date limite de consommation (CA Paris 26-6-1998 n° 97-14722, 3e ch. B : D. aff. 129/1998 p. 1401). Dans un autre domaine, la cour d'appel d'Orléans a considéré qu'en dépit de l'indication d'un numéro de série, des petits moteurs, tous identiques par familles de produits, destinés, non à un seul usage, mais à équiper différents systèmes de fermeture de bâtiments, avaient un caractère fongible par famille (CA Orléans 11-3-2004 n° 02-2061: RJDA 7/04 n° 867). La cour d'appel de Douai a également jugé que l'électroménager et la hi-fi vidéo étaient par nature des biens fongibles (CA Douai 16-12-1999 n° 96-5528 : Rev. proc. coll. 2001 p. 21 obs. Soinne).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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