Loi 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière art. 57 et 58 (JO 23 p. 18984)

Est instituée une procédure de sauvegarde limitée aux créanciers financiers et permettant l'adoption rapide d'un plan négocié lors d'une conciliation. En outre, les règles sur le plan de sauvegarde ou de redressement sont adaptées pour lever des obstacles à son adoption.

1. Les articles 57 et 58 de la loi 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière (JO du 23 octobre p. 18984) apporte quelques retouches au régime des procédures collectives. Sa principale innovation réside dans l'institution d'une nouvelle procédure : la sauvegarde financière accéléré (déjà surnommée SFA par les praticiens) permettant de « valider » rapidement un plan de restructuration financière pré-négocié (n° 2 s.). Par ailleurs, la loi a amendé les modalités d'élaboration et d'exécution du plan de sauvegarde et de redressement judiciaire afin d'en renforcer l'efficacité (n° 12 s.).

Nous présentons les principales mesures nouvelles dont l'entrée en vigueur est précisée sous les développements qui les concernent.

I. Sauvegarde financière accélérée

2. La loi du 22 octobre 2010 met en place d'une nouvelle forme de sauvegarde (C. com. art. L 628-1 s. nouveaux) qui viendra « s'intercaler » entre la conciliation et l'actuelle sauvegarde. Limitée au cercle des créanciers financiers d'une entreprise, cette procédure de sauvegarde financière accélérée permettra de passer outre l'opposition de créanciers minoritaires qui auront fait échouer la conciliation (Rapport AN n° 2848 relatif au projet de loi de régulation bancaire et financière art. 12 quinquies). Cette nouvelle procédure devrait favoriser la pratique anglo-saxonne du « prepackaged plan », c'est-à-dire la négociation en amont d'un plan de restructuration des dettes avec les principaux créanciers qui est ensuite adopté et arrêté dans le cadre d'une procédure de sauvegarde afin de le rendre opposable à ces créanciers. Cette pratique était difficile à mettre en oeuvre la nécessité d'obtenir, dans le cadre de la conciliation, l'accord unanime des créanciers participants et, dans l'actuelle sauvegarde, l'accord des deux tiers des créanciers, y compris ceux qui ne sont pas directement intéressés à la restructuration de la dette strictement financière de l'entreprise. En outre, la durée d'élaboration d'un plan de sauvegarde classique, qui peut s'étaler sur plusieurs mois, peut rendre délicat le maintien de la confiance des participants et des tiers dans l'aboutissement du projet (sur ce sujet, voir notamment, R. Dammann et G. Podeur Sauvegarde financière express : vers une consécration législative du « prepack à la française » : D. 2010 p. 2005 ; A. Besse et N. Morelli, Le prepackaged plan à la française : pour une saine utilisation de la procédure de sauvegarde : JCP E 2009 n° 1628 p. 28 à 33 ; F.-X. Lucas, Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française : Cah. dr. entr. n° 5 sept.-oct. 2009 p. 35).

Entrée en vigueur et régime de la nouvelle sauvegarde

3. La sauvegarde financière accéléré sera applicable aux procédures de conciliation ouvertes à compter du 1er mars 2011 (premier jour du cinquième mois suivant la publication de la loi ; Loi du 20-10-2010 art. 57, II).La sauvegarde accélérée sera soumise au même régime que la sauvegarde actuelle (C. com. art. L 628-1, al .1) sous réserve des précisions qui suivent.

Débiteur concerné

4. L'ouverture d'une sauvegarde accélérée ne pourra être demandée que par un débiteur répondant cumulativement aux conditions suivantes (C. com. art. L 628-1, al. 2 nouveau et, sur renvoi, art. L 620-1, L 626-29 et R 626-52) :

  • il devra être engagé dans une procédure de conciliation en cours ;
  • il devra justifier de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter sans pour autant être en cessation des paiements ; ses comptes devront avoir été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable ;
  • le nombre de ses salariés devra être supérieur à 150 à la date de la demande ou son chiffre d'affaires supérieur à 20 millions d'euros pour le dernier exercice clos ;
  • il devra avoir élaboré un projet de plan visant à assurer la pérennité de l'entreprise et susceptible de recueillir un soutien suffisamment large de la part des créanciers financiers (n° 6) pour rendre vraisemblable son adoption dans un délai d'un mois à compter de l'ouverture de la procédure.

Comme toutes les procédures collectives prévues par le Code de commerce, la sauvegarde financière accélérée ne concerne que les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale, les agriculteurs, les personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante et les personnes morales de droit privé (C. com. art. L 628-1, al. 2 nouveau et, sur renvoi, art. L 620-1 et L 620-2).

5. Il résulte de ces conditions que la sauvegarde financière accélérée s'adresse à des entreprises d'une certaine ampleur et dont les difficultés sont la conséquence, non pas d'une activité intrinsèquement déficitaire, mais de l'impossibilité à faire face à leur dette financière.Le but du chef d'entreprise demandeur n'est pas tant de bénéficier de la suspension des poursuites et de l'interdiction du paiement des créances antérieures, qui d'ailleurs n'affecteront ni ses fournisseurs ni les créanciers publics (n° 7) mais d'obtenir rapidement que le projet de plan négocié dans le cadre de la conciliation amiable devienne effectivement opposables aux créanciers financiers qui y ont participé. Le caractère limité de la procédure et sa rapidité permettront d'atténuer l'impact négatif que peut avoir son ouverture sur les fournisseurs, les clients (et en conséquence sur la trésorerie) ou encore sur le cours de bourse.

Créanciers concernés

6. L'ouverture de la sauvegarde accélérée n'aura d'effet qu'à l'égard des créanciers ayant la qualité de membres du comité des établissements de crédit et assimilés et, s'il y a lieu, des créanciers obligataires (art. L 628-1, al. 3 nouveau). Sont membres de ce comité les établissements de crédit, la Banque de France, l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, le Trésor public, la Caisse des dépôts et consignations et toute autre entité auprès de laquelle le débiteur a souscrit un opération de crédit. Entre, à notre avis, dans cette dernière catégorie, la société mère qui a fait une avance à sa filiale. Sont aussi membres du comité des établissements de crédit les titulaires d'une créance acquise auprès des établissements de crédit et assimilés ou auprès d'un fournisseur de biens ou de services. Seuls le comité des établissements de crédit et, s'il y a lieu, l'assemblée générale des obligataires seront d'ailleurs constitués (art. L 628-4 nouveau). La suggestion de certains auteurs de fusionner ces deux entités en un seul comité afin d'éviter un possible veto des obligataires (R. Dammann et G. Podeur, Sauvegarde financière express : vers une consécration législative du « prepack à la française » : D. 2010 p. 2005) n'a pas été retenue.

7. La sauvegarde financière accélérée ne concernera donc ni les principaux fournisseurs de biens ou de services ni les créanciers publics (fisc, sécurité sociale, assurance chômage...). Ceux-ci continueront à être payés normalement.

Déclaration des créances

8. Les créanciers financiers (c'est-à-dire les membres du comité des établissements de crédit et les obligataires : n° 6) qui auront participé à la conciliation pourront déclarer leurs créances selon les modalités applicables à la sauvegarde classique mais ils n'y seront pas tenus. En effet, leurs créances, qui figureront sur une liste établie par le débiteur, certifiée par le commissaire aux comptes (ou, à défaut, l'expert-comptable) et enfin déposée au greffe du tribunal, seront réputées déclarées, sous réserve de leur actualisation ou d'une déclaration de créances (art. L 628-5 nouveau). Les modalités d'application de ce texte seront précisées par décret. Les créanciers financiers n'ayant pas participé à la conciliation devront se soumettre à la formalité de la déclaration des créances.

Plan de sauvegarde

9. Le plan proposé par le débiteur ne sera soumis qu'à l'approbation du comité des établissements de crédit et, le cas échéant, de l'assemblée des obligataires. Faute de disposition particulière, cette approbation se fera, comme dans la sauvegarde classique, à la majorité des deux tiers du montant des créances détenues par les membres du comité ou des obligataires ayant exprimé un vote (C. com. art. L 626-30-2, al. 4 et L 626-32, al. 3). Toutefois, les membres du comité des établissements de crédit qui ne sont pas affectés par le projet de plan ne participeront pas au vote. Cette exclusion du vote prévue dans la sauvegarde classique (n° 17) est applicable à la sauvegarde financière accélérée en application de l'article L 628-1, al. 1 nouveau aux termes duquel la procédure accélérée est soumise à la procédure de sauvegarde sous réserve des dispositions des articles régissant spécialement la procédure accélérée. En raison de l'alignement du régime de la sauvegarde accélérée sur celui de la sauvegarde classique, le projet de plan devra prendre en compte les accords de subordination entre créanciers qui auront été conclus avant l'ouverture de la procédure (n° 18).

Le comité devra se prononcer sur le projet de plan dans un délai de huit jours à compter de sa transmission (au lieu des quinze jours prévus dans la procédure classique) (art. L 628-4 nouveau). Aucun délai spécifique n'est prévu pour l'approbation de l'assemblée des obligataires, mais celle-ci devra intervenir rapidement dans la mesure où la procédure de sauvegarde accélérée est enfermée dans un délai de deux mois maximum (n° 10) et que, conformément au droit commun de la sauvegarde, quinze jours au moins doivent séparer la date de convocation de l'assemblée et celle du vote (C. com. art. R 625-60, al. 3).

10. Le tribunal arrêtera le plan conformément au projet adopté dans un délai d'un mois à compter du jugement d'ouverture, délai qu'il peut prolonger d'un mois au plus, après s'être assuré que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés et, si le plan comporte une modification du capital de la société objet de la procédure, que cette modification a été approuvées par l'assemblée générale extraordinaire ou l'assemblée des associés (C. com. art. L 628-6, al. 1 nouveau et, sur renvoi, art. L 626-31).

11. Si le plan n'est pas adopté par les créanciers et les obligataires ou n'est pas arrêté par le tribunal dans le délai précité, le tribunal met fin à la procédure (art. L 628-6, al. nouveau). En principe, l'opposition ou l'inertie du comité des créanciers financiers devrait être exceptionnelle puisque l'accord de ces derniers aura déjà été obtenu dans le cadre de la conciliation. Un veto des obligataires demeure possible, leurs intérêts ne se confondant pas nécessairement avec ceux des autres créanciers financiers. En tout état de cause, en cas d'échec, le débiteur pourra, selon sa situation, demander l'ouverture d'une sauvegarde classique ou d'un redressement judiciaire.

Rappelons que dans la procédure classique de sauvegarde, si l'un des comités de créanciers ou l'assemblée des obligataires ne s'est prononcé sur le projet de plan dans les six mois de l'ouverture de la procédure ou si le plan a été rejeté par l'un d'eux ou par le tribunal, le plan est élaboré sur la base de consultations individuelles ou collectives sur les délais et remises proposées (C. com. art. L 626-34).

II. Plan de sauvegarde ou de redressement

12. Diverses modifications sont apportées par la loi du 22 octobre 2010 aux dispositions relatives à l'élaboration et à l'exécution du plan. Elles ont principalement pour objet de favoriser la titrisation des créances et d'empêcher les créanciers qui, nonobstant le plan, seront payés de faire opposition à son adoption.Ces modifications seront applicables aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ouvertes à compter du 1er mars 2011 (premier jour du cinquième mois suivant la publication de la loi ; Loi du 22-10-2010 art. 58, II).

Conversion de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital

13. Lorsque le plan de sauvegarde ou de redressement est élaboré en présence de comités de créanciers, le dirigeant de la société débitrice (en cas de sauvegarde) ou l'administrateur judiciaire (en cas de redressement judiciaire) ou encore un créancier peut proposer des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital de la société (C. com. art. L 626-30-2, al. 1 et 2 ; art. L 631-19, al. 1). Cette faculté sera également ouverte en l'absence de constitution de comités de créanciers (art. L 626-5, al. 1 nouveau). A noter qu'en cas d'élaboration du plan dans le cadre de comités de créanciers, la conversion peut être proposée seulement si la société débitrice est une société par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports, c'est-à-dire s'il s'agit d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée (art. L 626-30-2 et L 631-19 précités). Aucune limitation de ce type ne figure dans l'article L 626-5 nouveau. La raison en est qu'au sein d'un comité de créanciers, la conversion peut être imposée à un créancier par la loi de la majorité tandis qu'en dehors de la constitution des comités, la conversion suppose l'accord exprès du créancier (n° 14).

Rappelons que la constitution des comités de créanciers est obligatoire si les comptes de l'entreprise sont certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et si le nombre de salariés dépasse 150 ou si le chiffre d'affaires est supérieur à 20 millions d'euros ; pour les autres entreprises, cette constitution peut être autorisée par le juge-commissaire (art. L 626-29, L 631-1 et R 626-53).

14. La loi précise les modalités d'acceptation par les créanciers des conversions de créances qui leur seront proposées (art. L 626-5, al. 3 nouveau) : le mandataire judiciaire recueillera, individuellement et par écrit, l'accord de chaque créancier qui a déclaré sa créance ; le défaut de réponse, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire, vaudra refus. Le mécanisme d'acceptation tacite qui prévaut pour les propositions de délais de paiement ou de remises est donc écarté.

15. Le tribunal homologuera les accords de conversion en titres acceptés par les créanciers, sauf s'ils portent atteinte aux intérêts des autres créanciers, et après s'être assuré, si la conversion emporte une modification du capital, de l'approbation de l'assemblée générale extraordinaire, ou l'assemblée des associés ou encore de l'assemblée spéciale (art. L 626-18, al. 2 nouveau).

Délais de paiement

16. Pour les délais de paiements imposés aux créanciers en dehors des comités, la question s'était posée de savoir s'ils pouvaient excéder la durée du plan fixée à dix ans. Certains juges l'avaient admis (CA Bordeaux 8-4-2002 : Banque et droit juillet-août 2002 p. 52 note J.-L Guillot ; T. com. 28-12-1995 : Rev. Proc. coll. 1996.443 note B. Soinne ; décisions rendues sous l'empire du régime antérieur à la loi de sauvegarde de 2005). La loi l'interdit expressément (art. L 626-18, al. 6 nouveau). Demeurera toutefois l'exception des délais de paiement supérieurs à dix ans dont les parties sont convenues avant l'ouverture de la procédure collective et dont le juge ordonnera le maintien (art. précité, al. 3). Comme actuellement, les délais figurant dans le plan adopté par les comités de créanciers ni la durée de ce plan ne seront enfermés dans ce délai de dix ans (art. L 626-30-2, al. 2).

Créanciers non affectés par le projet de plan

17. Les créanciers pour lesquels le projet de plan ne prévoit pas de modification des modalités de paiement ou prévoit un paiement intégral en numéraire dès l'arrêté du plan ou dès l'admission de leurs créances seront mis à l'écart du processus d'adoption du plan puisqu'ils ne pourront pas voter au sein des comités de créanciers (art. L 626-30-2, al. 5 nouveau) et, en l'absence de comités, ils ne seront pas consultés par le mandataire judiciaire (art. L 626-6, al. 4 nouveau).

Plan élaboré dans le cadre des comités de créanciers

18. Le régime de l'élaboration du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire subira quelques changements. On l'a vu, l'adoption du plan dans le cadre de la sauvegarde financière accélérée relèvera d'un seul comité de créanciers et des obligataires (n° 9) et, quelle que soit la nature de la procédure de sauvegarde, certains membres des comités seront exclus du vote du plan (n° 17).

Enfin, la loi précise désormais que le projet de plan de sauvegarde ou de redressement proposé aux comités devra prendre en compte les accords de subordination entre créanciers conclus avant l'ouverture de la procédure collective (C. com. art. L 626-30-2, al. 2 modifié pour la sauvegarde, applicable à la sauvegarde financière accélérée par renvoi de l'art. L 628-1, al .1 nouveau et au redressement judiciaire par renvoi de l'art. L 631-19). Certains praticiens s'étaient en effet interrogés sur la possibilité de neutraliser ou de modifier les accords de subordination qui existent dans les financements structurés et qui peuvent, eu égard au niveau de risques assumés par un groupe de créanciers par rapport à un autre, prévoir que l'un devra reverser à l'autre les sommes perçues dans la cadre d'une procédure collective (R. Dammann et G. Podeur : Les enjeux de la réforme des comités de créanciers : JCP E 2009 n° 2094 § 49 s.).

Paiement des créanciers

19. Lorsque l'admission d'une créance aura été proposée par le mandataire judiciaire et qu'aucune contestation n'aura été présentée au juge-commissaire, les versements afférents à cette créance seront effectués à titre provisionnel dès que la décision arrêtant le plan sera devenue définitive, à condition que cette décision le prévoie (art. L 626-21, al. 2 nouveau). Les sommes à répartir pour les créances litigieuses ne seront versées, comme actuellement, qu'à compter de l'admission définitive de ces créances au passif (art. L 626-21, al. 3).

20. Le montant de chacune des annuités prévues par le plan ne pourra pas être inférieure, à compter de la troisième annuité, et non plus de la deuxième comme actuellement, à 5 % de chacune des créances admises (et non à 5 % du passif admis), sauf dans le cas d'une exploitation agricole (art. L 626-18, al. 3 nouveau).

21. Par décision spécialement motivée et après avis du ministère public, le tribunal pourra autoriser le commissaire à l'exécution du plan, sous sa responsabilité, à régler les créanciers par l'intermédiaire d'un établissement de crédit spécialement organisé pour effectuer des paiements de masse en numéraire ou en valeurs mobilières (art. L 626-21, al. 5 modifié).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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