Lors de sa réunion du 28 octobre 2010, le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), sous la présidence du président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer, a examiné le rapport présenté par MM. René Dosière (SRC) et Christian Vanneste (UMP), sur les autorités administratives indépendantes (AAI).

Il existe maintenant en France plus de 40 AAI, la première création d'une AAI en tant que telle (Commission nationale de l'informatique et des libertés - CNIL) datant de 1978. Ces créations ont concerné deux secteurs principaux : la protection des libertés publiques et la régulation des activités économiques. La création d'agences indépendantes ou autonomes fait certes partie d'un mouvement constaté dans tous les pays démocratiques. Cependant, alors que dans les autres pays il est constaté un dégradé progressif du niveau d'autonomie des agences, la particularité du système français est une dichotomie très nette entre les 42 AAI et les quelque 650 autres « opérateurs de l'État », disposant d'une simple autonomie.

La multiplication des AAI pose maintenant un risque de lisibilité, de complexité institutionnelle (chevauchement de compétences entre AAI, doublons avec les services des ministères) et de démembrement de l'État. Les rapporteurs craignent ainsi qu'elles n'échappent à tout contrôle et aillent au-delà de leurs compétences en empiétant sur les pouvoirs exécutifs (pouvoir réglementaire délégué), législatifs (« droit mou ») et judiciaires (sanctions).

Et pourtant, le poids des AAI reste modeste au regard du budget de l'État. Seules 16 AAI sur 42 emploient plus de 20 agents. Elles employaient 3 126 personnes (ETPT) en 2007, selon la direction du Budget, et prévoyaient d'employer 3 651 ETPT en 2010 (soit une croissance annuelle moyenne de 5,3 %.).

Toujours selon la direction du Budget, les crédits consommés par les AAI s'élevaient à 387,1 millions d'euros en 2009 par rapport aux 303,8 millions d'euros consommés en 2006, soit une croissance annuelle moyenne de 8,4 %.

Ces chiffrages sont sans doute sous-évalués. Il ressort des réponses à un questionnaire envoyé aux AAI que, si l'on inclut les coûts supportés par d'autres organismes publics et mis gracieusement à disposition des AAI, les dépenses des AAI s'élèveraient à plus de 600 millions d'euros en 2009, soit une majoration de 50 % par rapport aux statistiques sur les coûts directs calculées par la direction du Budget. De plus, entre 2009 et 2010, l'augmentation des dépenses des AAI serait supérieure à 11 %. Un effort de rationalisation est indispensable clame les rapporteurs et passe par des regroupements permettant d'atteindre une taille critique et de générer des gains d'échelle (l'immobilier constitue un « point noir » de la gestion des AAI, avec un ratio de 17,6 m2 (SUN) par poste de travail, supérieur de près de 50 % à la cible retenue de 12 m2 pour l'État. Les AAI concentrent leur implantation dans les arrondissements les plus chers de Paris ; une seule se trouvant en banlieue proche (Haute autorité de santé - HAS), une autre en province (l'ARAF).

Les deux députés formulent en ce sens les propositions suivantes :

- le Défenseur des droits regrouperait le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la HALDE ;
- un « Contrôleur général » de la sécurité regrouperait la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), avec à terme, une fusion au sein du Défenseur des droits ;
- les quatre AAI chargées de la surveillance de la vie politique devraient être regroupées, au sein d'une Haute autorité de la transparence de la vie politique dont la compétence s'étendrait au redécoupage électoral ;
- ARCEP, CSA et HADOPI seraient rapprochés (convergence numérique) ;
- de même, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et le Médiateur national de l'énergie ;
- un regroupement des différentes autorités en charge de la concurrence devrait être envisagé à terme (Autorité de la concurrence, CRE et Autorité de régulation des activités ferroviaires - ARAF)
- les AAI les plus modestes devraient faire l'objet de regroupements géographiques permettant des synergies de fonctionnement. Le rapport propose également la suppression de certaines AAI qui ont d'ores et déjà perdu leur justification, voire leur utilité : Commission des participations et des transferts (CPT) et Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ; les compétences de la Commission nationale du débat public (CNDP) pourraient également être transférées, après une période transitoire.

Le rapport se prononce enfin pour un rapprochement des AAI et du Parlement, dans une « boucle de contrôle en amont et en aval », allant du processus de désignation à la reddition de comptes.



Sources :

Rapp. AN n° 2925, 28 oct. 2010