Dans cette affaire, la requérante alléguait principalement que la révocation de son poste de magistrate par une décision du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) turc au terme d'une enquête disciplinaire portait atteinte à son droit au respect de la vie privée (art. 8 Conv. EDH).

Concernant le champ d'application de l'article 8 de la Convention, la Cour rappelle tout d'abord, le 19 octobre 2010, que la notion de « vie privée » n'exclut pas, a priori, les activités professionnelles. Elle observe que la décision de révocation de la requérante était directement liée à ses agissements dans le cadre professionnel mais également privé et que son droit au respect de la réputation était également en cause. La Cour conclut donc à l'ingérence des autorités dans le droit au respect de la vie privée de la magistrate. Or, si cette ingérence pouvait avoir pour but légitime le respect de l'obligation de retenue des magistrats dans le but de préserver leur indépendance et l'autorité de leur décision, elle n'était pas pour autant « nécessaire dans une société démocratique ».

Sur ce point, la Cour de Strasbourg estime « que les devoirs déontologiques d'un magistrat peuvent empiéter sur sa vie privée lorsque, par son comportement, le magistrat porte atteinte à l'image ou à la réputation de l'institution judiciaire. » Elle considère qu'on ne saurait parler d'ingérence dans la vie privée à propos des agissements de la requérante qui relèvent de l'exercice de ses fonctions. Toutefois, la Cour relève que la requérante n'en demeurait pas moins un individu bénéficiant de la protection de l'article 8 de la Convention. Or, elle constate que l'enquête menée au plan interne n'a pas permis d'étayer solidement les accusations ayant fondé la mesure de révocation et que de nombreux agissements examinés n'avaient aucun rapport pertinent avec les activités professionnelles de l'intéressée. Au surplus, très peu de garanties ont été accordées à la requérante au cours de la procédure disciplinaire. De la même façon, elle n'a pas bénéficié d'une procédure contradictoire devant un organe de contrôle de la légalité de la mesure, indépendant et impartial, qui aurait pu sanctionner un éventuel abus des autorités. La Cour estime donc que l'atteinte portée à la vie privée de la requérante n'était pas proportionnée au but légitime poursuivi.

La Cour conclut par ailleurs à la violation de l'article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention combiné avec l'article 8. Elle rappelle avoir déjà observé dans l'affaire Kayasu c. Turquie (CEDH 13 nov. 2008, nos 64119/00 et 76292/01, §§ 117-123,) que l'impartialité du CSM, dans ses formations appelées à connaître de l'opposition du requérant, était sérieusement sujette à caution en raison notamment de la présence de membres ayant déjà siégé au sein de la formation qui prononce la révocation.

C. Schurrer
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Sources :

CEDH 19 oct. 2010, Ozpinar c. Turquie, n° 20999/04