Dans une décision du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 2 du code de procédure pénale.

Dans le cadre de l’affaire d’escroquerie à la carte bancaire impliquant le Président de la République, et suite à l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, l’avocat de l’un des prévenus a joint à sa demande de pourvoi une question prioritaire de constitutionnalité. Contestant la possibilité pour le chef de l’État de se constituer partie civile (au motif du respect du principe d’égalité des armes), Me Frédéric Rocheteau a repris les arguments développés par les avocats de Dominique de Villepin dans l’affaire Clearstream, invoquant l’idée selon laquelle les articles 67 et 68 de la Constitution ne permettent pas de voir dans le Président de la République un justiciable ordinaire.

La Cour de cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité en considérant que cette question relevait de la compétence du juge judiciaire et non de celle du Conseil constitutionnel.



Au-delà du fond (l’arrêt n’est pas encore publié), on relèvera deux éléments. Il peut paraître surprenant d’invoquer l’irrespect du principe d’égalité des armes dans le cadre d’une procédure « Q.P.C. » quand on sait que ce principe est au cœur de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il apparaît donc davantage comme un argument de conventionnalité que de constitutionnalité. Quand on sait à quel point la Cour peut être pointilleuse dans son appréciation de la différence entre ces deux types de contrôle et que l’on a en mémoire les échanges très vifs qui ont marqué les premiers mois de la Q.P.C., le rejet de la question prioritaire de constitutionnalité n’étonne pas vraiment. Il surprend d’autant moins que le thème de la responsabilité pénale du chef de l’État a déjà été l’objet d’une passe d’armes entre le juge du pavillon Montpensier et celui du Quai de l’horloge. Alors que le Conseil constitutionnel avait affirmé un privilège de juridiction général du Président de la République en exercice (déc. n° 98-408 D.C. du 22 janvier 1999), la Cour de cassation a de son côté estimé que, pour les actes accomplis en dehors de l’exercice de ses fonctions, le Président bénéficiait d’une immunité temporaire de juridiction, les poursuites étant suspendues pendant le mandat afin de protéger la fonction (Cass., Ass. Plén. 10 octobre 2001, Breisacher). La solution retenue par la Cour de cassation, qui aboutit à distinguer clairement responsabilité pénale et enjeu politique, fut d’ailleurs largement reprise dans la révision du titre IX de la Constitution. La Cour de cassation trouve donc dans cette affaire une nouvelle occasion de s’affirmer face au Conseil constitutionnel. Compte tenu de l’état des relations actuelles entre les deux juridictions, on attend avec impatience sa décision sur le fond…

Sur cette question, voir Pascale Robert-Diard, « Le Conseil constitutionnel ne sera pas saisi du statut pénal du chef de l’État », Le Monde, 11 novembre 2010.