Par un arrêt du 23 novembre 2010, non définitif, la Cour européenne des droits de l'Homme condamne la France, en affirmant que le ministère public n'est pas une « autorité judiciaire » au sens de l'article 5 § 3 de la Convention EDH. La Cour considère en effet que, les membres du ministère public en France, ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif, qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l'impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de « juge ou (...) autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». L'État a indiqué qu'il allait faire appel.

Dans cette affaire, une avocate au barreau de Toulouse avait été placée en garde à vue le 13 avril 2005 sur commission rogatoire délivrée par des juges d'instructions d'Orléans, dans le cadre d'une procédure relative à un trafic de stupéfiants, pour soupçons de violation du secret de l'instruction, sur la base des déclarations de deux mis en examen. Après la fin de sa garde à vue, le 15 avril suivant, elle avait été présentée au procureur adjoint du TGI de Toulouse, en raison de l'existence d'un mandat d'amener délivré par les juges d'instruction d'Orléans. Le procureur adjoint a alors ordonné sa conduite en maison d'arrêt, en vue de son transfèrement ultérieur devant lesdits juges. Le 18 avril, mise en examen après son interrogatoire de « première comparution » par ces juges d'instruction, le juge des libertés et de la détention ordonna sa détention provisoire. L'avocate avait ainsi été maintenue cinq jours en détention sans avoir été entendue personnellement par les juges d'instruction en vue d'examiner le bien-fondé de sa détention, ces derniers s'étant strictement contentés de procéder aux opérations de perquisition et de saisie à son cabinet, à l'exclusion de toute autre mesure, en particulier concernant son audition et la légalité de sa détention.

La requérante a saisi la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) pour violation de l'article 5 § 3 de la Convention aux termes duquel « toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure (...) ». Le Gouvernement français arguait que l'avocate avait été présentée au procureur adjoint de Toulouse le 15 avril 2005, et qu'elle avait ainsi rencontré un magistrat indépendant appartenant à l'ordre judiciaire et gardien, au sens de la Constitution, des « libertés individuelles ».



Sources :

CEDH, 23 nov. 2010, req. n° 37104/06, Moulin c/ France

Communiqué de presse de la CEDH

Article et commentaire d'arrêt "L’arrêt France Moulin : vers une indispensable réforme du parquet" rédigé par Nicolas Hervieu et paru le 23 novembre 2010 sur libertes.blog.lemonde.fr