Cass. com. 19 octobre 2010 n° 09-69.246 (n° 1017 F-PB), Sté JFA chantier naval c/ Sté Kerstholt teakdecksystems BV

La loi applicable est présumée être celle du lieu où est établi le débiteur de la prestation caractéristique, même si le rattachement du contrat à cette loi n’est corroboré par aucun autre facteur.

En l’absence de choix des cocontractants, la loi applicable est celle du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ; ce pays est présumé être celui où est établi le débiteur de la prestation caractéristique, à moins qu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays (Convention de Rome du 19 juin 1980 art. 4 § 1, 2 et 5).

Un chantier naval français avait commandé à une société établie aux Pays-Bas l’installation d’un pont sur un navire qu’il construisait en France. Poursuivi en paiement, le chantier naval demandait l’application de la loi française. Il soutenait que le rattachement du contrat à la loi néerlandaise n’étant corroboré par aucun autre facteur que l’établissement aux Pays-Bas de la société fournissant la prestation caractéristique, la loi du lieu d’exécution de cette prestation devait nécessairement s’appliquer. Il relevait à ce titre que le contrat avait des liens avec la France qui était à la fois le lieu de son siège social, de l’appel d’offres et de la pose du pont. Cet argument a été rejeté. Il ne résulte pas des textes susvisés que la loi du lieu d’exécution de la prestation doit s’appliquer lorsque la présomption qu’ils édictent n’est corroborée par aucun autre facteur de rattachement.

En l’espèce, la loi applicable était celle du siège de la société néerlandaise qui avait fourni la prestation dès lors que le contrat ne présentait pas de liens plus étroits avec la France : le contrat n’avait pas été conclu dans ce pays, les parties utilisaient dans leurs correspondances à la fois l’anglais et le français et les prix étaient exprimés en euros et en florins.

à noter

Rendue en application de la Convention de Rome du 19 juin 1980, cette solution est transposable sous l’empire du règlement CE 593/2008 du 17 juin 2008 (dit règlement Rome I) qui la remplace et s’applique aux contrats conclus après le 17 décembre 2009.

Pour déterminer la loi applicable aux contrats conclus au sein de l’Union européenne, la Cour de cassation comme la Cour de justice de l’Union européenne imposent le raisonnement suivant : il convient de partir de la présomption selon laquelle la loi applicable est celle du lieu où est établi le débiteur de la prestation caractéristique et c’est ensuite que le juge doit, avant de se prononcer, comparer les attaches concrètes du contrat avec la loi désignée par la présomption et celles qui pourraient exister avec une autre loi (CJUE 6-10-2009 aff. 133/08 : RTD com. 2010 p. 455 chron. Ph. Delebecque ; Cass. com. 19-12-2006 n° 05-19.723 : RJDA 5/07 n° 449 ; Cass. 1e civ. 22-5-2007 n° 05-12.243). L’auteur du pourvoi exposait un raisonnement différent : selon lui, la présomption devrait tomber automatiquement au profit de la loi du lieu d’exécution du contrat lorsqu’elle ne serait corroborée par aucun autre facteur de rattachement. Mais cela aurait pour conséquence de ruiner la présomption.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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