CJUE 7 décembre 2010 aff. jtes 144/09, gde ch.CJUE 7 décembre 2010 aff. jtes 585/08, gde ch.

L'utilisation d'un site internet par un commerçant ne suffit pas à rendre applicables les règles européennes de compétence dérogatoires en matière de contrat international conclu avec un consommateur.

Quelle que soit leur nationalité, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre doivent être poursuivies devant les juridictions de cet Etat membre (Règlement CE 44/2001 du 22-12-2000 art. 2). Toutefois, pour les contrats conclus entre un consommateur et une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet Etat membre, le consommateur peut également saisir le tribunal du lieu où il est domicilié et ne peut être attrait que devant ce tribunal (art. 15 et 16).

La Cour de justice de l'Union européenne a été saisie par deux juridictions d'une question préjudicielle similaire sur la notion d'activité « dirigée vers » l'Etat membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile : la seule utilisation d'un site internet par un commerçant suffit-elle pour considérer que celui-ci dirige son activité vers l'Etat membre du consommateur qui effectue un achat par l'intermédiaire de ce site ?

La Cour de justice a considéré que les termes « dirige ces activités vers » ne visent pas la simple accessibilité du site internet du commerçant dans des Etats membres autres que celui dans lequel celui-ci est établi. Pour que s'appliquent les règles de compétence dérogatoires en matière de contrat conclu avec un consommateur, le commerçant doit avoir manifesté sa volonté d'établir des relations commerciales avec les consommateurs d'un ou plusieurs autres Etats membres. Les juges doivent rechercher s'il existe des indices permettant d'établir une telle volonté. Le fait que le site internet soit celui d'une société intermédiaire et non celui du commerçant ne fait pas obstacle à ce que ce dernier soit considéré comme dirigeant son activité vers d'autres Etats membres, dès lors que la société agit au nom et pour le compte du commerçant.

à noter

Dans la première affaire, un consommateur autrichien qui avait réservé un voyage sur internet par l'intermédiaire d'une agence de voyages allemande avait attrait devant une juridiction autrichienne l'organisateur du voyage, lui aussi établi en Allemagne ; celui-ci avait soulevé l'incompétence du juge, considérant qu'il n'exerçait aucune activité en Autriche. Dans la seconde, un hôtel situé en Autriche avait demandé à un client allemand le paiement de réservations effectuées sur internet devant un juge autrichien ; invoquant sa qualité de consommateur, le client considérait que seules les juridictions allemandes étaient compétentes.

Pour statuer sur ces exceptions d'incompétence, les juges devront rechercher si des indices établissent que le voyagiste allemand et l'hôtel autrichien ont eu, à travers leur site internet ou celui de leur intermédiaire, la volonté de démarcher des consommateurs d'autres Etats membres.

Parmi ces indices, la Cour de justice vise les expressions manifestes de la volonté du commerçant, telles que l'offre de services ou de biens dans un ou plusieurs Etats membres nommément désignés ou l'engagement de dépenses dans un service de référencement sur internet auprès de l'exploitant d'un moteur de recherche afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d'autres Etats membres l'accès au site du commerçant. La cour indique que d'autres indices, éventuellement combinés les uns aux autres, peuvent également être pris en compte : nature internationale de l'activité du commerçant (certaines activités touristiques par exemple), mention de coordonnées téléphoniques avec l'indication du préfixe international, nom de domaine choisi (.com ou .eu notamment), descriptions d'itinéraires à partir d'autres Etats membres vers le lieu où le commerçant est établi, mention d'une clientèle internationale, possibilité offerte au consommateur d'utiliser une autre langue ou une autre monnaie que celle habituellement utilisée dans l'Etat membre où le commerçant exerce son activité. En revanche, on ne peut pas déduire du seul fait que le consommateur puisse conclure le contrat en ligne sur le site internet ou contacter le commerçant par voie électronique que ce dernier dirige ses activités vers l'étranger.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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