Cass. 2e civ. 4 novembre 2010 n° 09-65.947 (n° 1988 FS-PBR)

Lorsque, dans le cadre d’un entraînement sur circuit fermé, le pilote d’une moto est blessé par une autre moto, le gardien de celle-ci ne peut pas opposer au pilote son acceptation des risques.

Aux termes de l’article 1384, al. 1 du Code civil, on est responsable du dommage causé par le fait des choses que l’on a sous sa garde. Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation vient de juger que ces dispositions s’appliquent sans que puisse être opposé à la victime son acceptation des risques. Au cas particulier, un motard avait été blessé par une autre moto sur un circuit. Une cour d’appel avait rejeté la demande d’indemnisation de la victime en relevant que l’accident était survenu entre des concurrents à l’entraînement, évoluant sur circuit fermé exclusivement dédié à l’activité sportive et qui avait pour but d’évaluer et d’améliorer les performances des coureurs. Elle en avait déduit que la participation à cet entraînement impliquait, de la part de la victime, une acceptation des risques inhérents à une telle pratique sportive. La Cour de cassation a cassé cette décision car les motifs invoqués par la cour d’appel n’exonéraient pas le gardien de la moto qui était à l’origine de l’accident.

à noter

Le gardien d’une chose à l’origine d’un dommage ne peut échapper à sa responsabilité qu’en prouvant que le dommage est dû à une cause qui lui est étrangère, revêtant pour lui un caractère imprévisible et irrésistible, qu’il s’agisse d’une faute de la victime (Cass. 2e civ. 11-7-2002 n° 01-10.016 : RJDA 1/03 n° 91) ou du fait d’un tiers (Cass. 2e civ. 15-3-2001 n° 99-11.033 : RJDA 8-9/01 n° 923). Pour les dommages survenus dans le cadre d’une activité sportive, la Cour de cassation admettait jusqu’alors que le gardien puisse s’exonérer du seul fait que la victime avait accepté les risques inhérents au sport en cause en le pratiquant (Cass. 2e civ. 8-10-1975 : Bull. civ. II n° 246 à propos d’une course automobile ; Cass. 2e civ. 16-6-1976 : JCP G 1977 II n° 18585 note Bénabent, relatif à une compétition hippique). En s’exposant à ces risques, la victime commettait une imprudence fautive dont elle devait assumer les conséquences (Droit de la responsabilité et des contrats Dalloz Action 2010 n° 1894). Mais la Cour de cassation limitait cette cause d’exonération aux seuls sports violents ou à risques, pratiqués dans le cadre d’une compétition (Cass. 2e civ. 22-3-1995 : Bull. civ. II n° 99 ; Cass. 2e civ. 4-7-2002 : Bull. civ. II n° 158 ; Cass. 2e civ. 28-3-2002 : Bull. civ. II n° 67). Elle avait refusé, contrairement au juge du fond dans l’espèce ci-dessus, de l’appliquer aux dommages subis lors de simples entraînements (Cass. 2e civ. 22-3-1995 précité). Désormais, la pratique de tout sport, quelles qu’en soient les modalités, n’est plus une cause d’exonération de responsabilité pour le gardien de la chose à l’origine du dommage.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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