Ordonnance 2010-1511 du 9 décembre 2010 transposant la directive 2007/36 sur l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées : JO du 10 décembre p. 21612

Pour les assemblées tenues à compter du 1er janvier 2011, un actionnaire de société cotée pourra se faire représenter par toute personne de son choix. Telle est la principale nouveauté de l’ordonnance du 9 décembre dernier sur le renforcement des droits des actionnaires.

1.- Une ordonnance renforçant les droits des actionnaires exercés en assemblée générale vient d’être publiée (Ord. 2010-1511 du 9 décembre 2010 : JO du 10 décembre p. 21612). Prise en application de la récente loi de régulation bancaire et financière (sur les principaux aspects de cette loi, voir BRDA 21/10 inf. 26 et 27), elle achève de transposer la directive 2007/36 du 11 juillet 2007 sur l’exercice des droits des actionnaires de sociétés cotées en assouplissant les conditions de leur représentation à l’assemblée. Par ailleurs, toujours en conformité avec la directive, l’ordonnance améliore les modalités de participation des actionnaires de toute société, cotée ou non, à l’assemblée.

Rappelons qu’une partie de cette directive a été transposée par le décret du 23 juin 2010 renforçant l’exercice des droits des actionnaires par voie électronique (BRDA 13/10 inf. 35 et 14/10 inf. 8).

Les dispositions de l’ordonnance s’appliquent aux assemblées de société anonyme ou de société en commandite par actions tenues à compter du 1er janvier 2011 (Ord. art. 7), sous réserve, pour les dispositions dont les conditions d’application doivent être précisées par décret, de la parution de celui-ci (C. civ. art. 1er, al. 1).

I. Représentation d’un actionnaire à l’assemblée

Société non cotée

2.- Actuellement, un actionnaire ne peut se faire représenter que par un autre actionnaire ou par son conjoint. A compter du 1er janvier prochain, cette possibilité est étendue au partenaire pacsé (C. com. art. L 225-106, I-al. 1 nouveau). La situation de ce dernier est ainsi assimilée à celle du conjoint pour la représentation des actionnaires.

Société cotée

3.- Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé (Euronext) ou, si les statuts le prévoient, dans celles dont les actions sont admises aux négociations sur un système de négociation organisé (Alternext), un actionnaire pourra se faire représenter non seulement par un autre actionnaire, son conjoint ou son partenaire pacsé, mais aussi par toute autre personne (physique ou morale) de son choix (C. com. art. L 225-106, I-al. 2 s. nouveau). Cette disposition phare de l’ordonnance s’accompagne de mesures d’encadrement destinées à éviter les dérives liées à sa mise en œuvre.

4.- Information de l’actionnaire représenté. En cas de représentation d’un actionnaire par une personne autre que son conjoint ou son partenaire pacsé, le mandataire devra informer l’actionnaire de tout risque de conflit d’intérêt, c’est-à-dire de tout fait permettant à l’actionnaire de mesurer le risque que le mandataire poursuive un intérêt autre que le sien (C. com. art. L 225-106-1 nouveau, al. 1).

Cette information devra porter « notamment » sur le fait que le mandataire ou, le cas échéant, la personne pour le compte de laquelle il agit (C. com. art. L 225-106-1, al. 2 s.) :

  • 1° Contrôle la société dont l’assemblée est appelée à se réunir ;
  • 2° Est membre de l’organe de gestion, d’administration ou de surveillance de cette société ou d’une personne qui la contrôle ;
  • 3° Est employé par cette société ou par une personne qui la contrôle ;
  • 4° Est contrôlé ou exerce l’une des fonctions mentionnées au 2° ou au 3° dans une personne ou une entité contrôlée par une personne qui contrôle la société ;
  • 5° A noué un lien familial avec une personne physique placée dans l’une des situations énumérées aux 1° à 4°.

Pour l’application de ces règles, le contrôle de la société s’entend de celui prévu à l’article L 233-3 du Code de commerce : notamment détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote ou, si aucun autre actionnaire ne détient une participation supérieure, d’au moins 40 % des droits de vote, contrôle de fait de l’assemblée, contrôle conjoint exercé de concert avec un ou plusieurs autres actionnaires (pour plus de détails voir Mémento Sociétés commerciales nos 79013 s.).

Lorsqu’un de ces faits se produit, le mandataire devra en informer sans délai l’actionnaire à qui il appartiendra de confirmer expressément le mandat. A défaut, celui-ci sera caduc et le mandataire devra en informer la société. Un décret à paraître précisera les conditions d’application de l’ensemble de ces dispositions (C. com. art. L 225-106-1, al. 8 s.).

5.- Sollicitation active de mandats. Toute personne autre qu’un conjoint ou un partenaire pacsé qui sollicite de façon active des mandats (actionnaire minoritaire ou association de défense d’actionnaires par exemple) en proposant directement ou indirectement et sous quelque forme que ce soit de recevoir des procurations pour représenter un ou plusieurs actionnaires devra rendre publique sa politique de vote. Cette personne pourra également rendre publiques ses intentions de vote sur les projets de résolution présentés à l’assemblée ; si elle le fait, elle devra exercer un vote conforme à ses intentions pour toute procuration reçue sans instruction de vote. Un décret à paraître précisera les conditions d’application de cette mesure (C. com. art. L 225-106-2 nouveau).

6.- Sanctions. En cas de manquement par le mandataire à l’une des obligations ci-dessus (n° 4 et 5), l’actionnaire représenté pourra demander au tribunal de commerce dans le ressort duquel est situé le siège social d’interdire au mandataire de participer en cette qualité à toute assemblée de la société concernée ; la durée de cette interdiction ne pourra pas excéder trois ans. La société pourra présenter la même demande mais seulement en cas de violation des règles sur la sollicitation active de mandats (C. com. art. L 225-106-3 nouveau).

Formalisme attaché aux procurations

7.- Le nouveau texte précise expressément que la procuration, comme sa révocation, doivent être écrits (C. com. art. L 225-106, II nouveau). Cette condition, qui n’est pas nouvelle puisque l’article R 225-79 prévoit déjà l’obligation de signer la procuration, est introduite pour les besoins de la transposition de la directive du 11 juillet 2007, laquelle impose aux Etats membres de veiller à ce que le mandat et sa révocation ne puissent être consentis que par écrit (art. 11). Les modalités de cet écrit, notamment sa signature électronique, ont déjà été définies à l’article R 225-79 par le décret du 23 juin 2010 qui a transposé en partie cette directive (BRDA 13/10 inf. 35 et 14/10 inf. 8).

II. Autres mesures

Inscription de « points » à l’ordre du jour

8.- Les actionnaires de société cotée ou non représentant au moins 5 % du capital (ou moins de 5 % dans les sociétés au capital supérieur à 750 000 € : C. com. art. R 225-71, al. 2), qui peuvent actuellement faire inscrire des projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée, auront aussi la possibilité de demander l’inscription de « points » à l’ordre du jour (C. com. art. L 225-105, al. 2 modifié) sans que ces points soient liés à un projet de résolution. Cette demande devra être présentée dans les mêmes conditions qu’un dépôt de projet de résolution.

Réponse aux questions écrites

9.- Le conseil d’administration ou le directoire de société cotée ou non pourra apporter une réponse commune à des questions présentant le même contenu que différents actionnaires auront posées par écrit avant l’assemblée. Par ailleurs, la société sera considérée comme ayant répondu à une question écrite dès lors qu’elle aura fait figurer la réponse sur son site internet dans une rubrique consacrée aux questions-réponses (C. com. art. L 225-108 modifié).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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