Le Conseil constitutionnel a déclaré vendredi l’interdiction du mariage homosexuel conforme à la Constitution, renvoyant au législateur la responsabilité de décider d’un éventuel changement dans la législation.

Les Sages avaient été saisis d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) à l’initiative d’un couple de femmes pacsées, en quête d’une plus grande sécurité juridique pour leurs quatre enfants. Dans sa décision, diffusée sur son site internet, le Conseil constitutionnel déclare que les articles contestés du code civil - 75 (dernier alinéa) et 144 - sont «conformes à la Constitution». Il résulte de ces articles, comme la Cour de cassation l’a rappelé le 13 mars 2007 en annulant le mariage homosexuel célébré à Bègles en 2004 par Noël Mamère, que «selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme», écrit le Conseil.

Le droit de mener une vie familiale normale

L’avocat des deux jeunes femmes, Me Emmanuel Ludot, s’était notamment appuyé sur l’article 66 de la Constitution sur la liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel a totalement écarté cet argument, soulignant que cet article «prohibe la détention arbitraire» et n’est donc pas applicable au mariage. Les Sages ont également estimé que le «droit de mener une vie familiale normale» n’implique pas que les couples de même sexe puissent se marier, soulignant qu’ils sont libres de vivre en concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité (PACS). Quand au principe d’égalité devant la loi, le Conseil a renvoyé la balle aux politiques, comme il l’avait fait en octobre pour l’homoparentalité. «En maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a, dans l’exercice de sa compétence, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme pouvait justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille», a-t-il souligné. «Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation», a-t-il ajouté.

"Le Conseil constitutionnel vient de rater une occasion historique"

«Le Conseil constitutionnel vient de rater une occasion historique de mettre un terme à une discrimination devenue intolérable pour plus de 3 millions de personnes gays et lesbiennes en France, alors que dans le même temps neuf pays européens ont déjà ouvert le mariage aux personnes de même sexe», a réagi dans un communiqué Me Caroline Mécary.

De son côté, Me Emmanuel Ludot a exprimé l’espoir que la campagne présidentielle fasse bouger les choses sur cette question. «Le conseil constitutionnel rappelle avec précision quels sont ses pouvoirs, qui sont en fait très limités, et dit que l’interdiction du mariage homosexuel ne peut être levée que par des politiques, c’est-à-dire par le Parlement», a déclaré Me Ludot, interrogé par l’AFP.

«Il faudrait éviter que cette décision, on ne la traîne comme un boulet pendant des années, alors que les autres pays avancent à grands pas», a-t-il ajouté. L’avocat a estimé qu’«aujourd’hui, les politiques ne peuvent pas dire: "je n’ai rien à dire"». «On est à 12 mois de l’élection présidentielle grosso modo. Dans ces 12 mois, qu’est ce qu’on va nous proposer pour le prochain quinquennat, à droite comme à gauche?» «Ça va bouger avant 2012», veut-il croire.

Sans attendre, ses clientes, Corinne Cestino et Sophie Hasslauer, «ont l’intention de continuer le combat judiciaire sous d’autres formes», a-t-il dit. «Il y a plusieurs pistes à l’étude. Dans les semaines qui viennent, d’autres initiatives juridiques seront prises», a-t-il annoncé, sans donner de précisions.



Libération, 28/01/11

Sources

Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011 (Mme Corinne C. et autre)