Cass. crim. 23 novembre 2010 n° 09-85.115 (n° 6752 FS-PB)

La société utilisant un travailleur intérimaire victime d'un accident mortel est seule pénalement responsable en raison de la faute commise par le délégataire en matière de sécurité, salarié d'une autre société, désigné par un groupement d'entreprises.

En cas d'accident du travail, les manquements en matière d'hygiène et de sécurité des travailleurs commis par le délégataire de pouvoirs désigné par chacune des sociétés ayant constitué un groupement d'entreprises à l'occasion de l'attribution d'un marché engagent la responsabilité pénale de la personne morale, membre du groupement, qui est l'employeur de la victime, ou, en cas de recours à une main-d'œuvre intérimaire, de la personne morale ayant la qualité d'entreprise utilisatrice au sens des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire.

Après avoir posé ce principe, la Cour de cassation a jugé que :

  • la responsabilité pénale de la société utilisatrice pour homicide involontaire commis sur un salarié intérimaire était engagée en raison des manquements commis par le délégataire de pouvoirs, même s'il n'était pas le salarié de la société et n'avait pas été lui-même poursuivi pour homicide involontaire ;
  • la société dont le préposé était titulaire de la délégation de pouvoirs pour l'ensemble du groupe ne pouvait pas être déclarée coupable d'homicide involontaire puisque, n'étant ni l'employeur de la main-d'œuvre intérimaire mise à disposition, ni son utilisatrice, elle n'était pas chargée d'assurer à son égard la sécurité au travail.

à noter

Pour l'application de l'article 121-2 du Code pénal prévoyant qu'une personne morale est responsable pénalement des infractions commises pour son compte par ses organes ou représentants, une entreprise peut être représentée par ce délégataire, même s'il n'est pas son préposé (Cass. crim. 14-12-1999 no 99-80.104 : RJDA 4/00 no 419 ). Il arrive fréquemment que des personnes morales constituent un groupement d'entreprises sous forme de société en participation (donc dépourvue de la personnalité morale) pour l'obtention et l'exécution d'un marché et que leurs dirigeants délèguent les pouvoirs en matière de sécurité au salarié de l'une d'elles.

Par l'arrêt rapporté, la Cour de cassation étend aux personnes morales ayant la qualité d'entreprises utilisatrices de travailleurs intérimaires, la solution qu'elle applique depuis plus de dix ans aux personnes morales employant le salarié victime d'un accident sur un chantier : la personne morale qui doit répondre de l'infraction est celle qui emploie la victime et non celle qui emploie le délégataire (Cass. crim. 14-12-1999 no 99-80.104, précité ; Cass. crim. 13-10-2009 no 09-80.857 : RJDA 2/10 no 146 ).

Cette solution résulte naturellement de l'article L 1251-21 du Code du travail qui prévoit que le travailleur temporaire est soumis, pendant la durée de sa mission, aux règles de santé et de sécurité au travail applicables dans l'entreprise utilisatrice et que l'utilisateur est responsable du respect de ces règles.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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