Cons. const. 13 janvier 2011 n° 2010-85 QPC, Etablissements Darty et Fils

L'interdiction du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties est conforme à la Constitution car elle est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits.

Engage sa responsabilité civile le professionnel qui soumet un partenaire commercial à des « obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (C. com. art. L 442-6, I-2°, issu de la LME du 4-8-2008). L'action peut être engagée par le ministre de l'économie et le ministère public qui peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation de la pratique litigieuse et de prononcer une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros, amende qui peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées (C. com. art. L 442-6, III).La Cour de cassation avait transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur la conformité de l'article L 442-6, I-2° au principe de légalité des délits qui impose au législateur d'énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement (Cass. QPC 15-10-2010 n° 10-40.039 : BRDA 21/10 inf. 20). Le Conseil constitutionnel vient de considérer que, compte tenu de la nature pécuniaire de la sanction et de la complexité des pratiques que le législateur a souhaité prévenir et réprimer, l'incrimination est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits. Pour déterminer l'objet de l'interdiction des pratiques commerciales abusives dans les contrats conclus entre un fournisseur et un distributeur, le législateur s'est référé à la notion juridique de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » qui figurait à l'article L 132-1 du Code de la consommation, lequel reprend les termes de l'article 3 de la directive 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. Le contenu de cette notion est déjà précisé par la jurisprudence. L'infraction est donc définie dans des conditions qui permettent au juge de se prononcer sans risque d'arbitraire. En outre, celui-ci peut consulter la Commission d'examen des pratiques commerciales composée des représentants des secteurs économiques intéressés (cf. C. com. art. L 442-6, III). à noter

1° On rappelle que l'article L 442-6, I-2° du Code de commerce a été introduit par la LME en remplacement des dispositions relatives aux abus de dépendance économique, de puissance d'achat ou de vente, difficilement applicables, afin de constituer un garde-fou efficace à la suppression de l'interdiction des pratiques discriminatoires. Le nouveau secrétaire d'Etat chargé du commerce avait annoncé que si le Conseil constitutionnel validait ce texte, il lancerait « toutes les nouvelles assignations à l'encontre des distributeurs que lui recommanderait la DGCCRF, de façon automatique », alors que l'accord conclu entre l'ancien secrétaire d'Etat et la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution avait prévu qu'il n'y aurait pas de nouvelles assignations à l'encontre des distributeurs ayant signé cet accord avant la conclusion des nouveaux plans d'affaires début mars (Les Echos des 14 et 15-1-2011 p. 30).

2° En retenant le caractère pécuniaire de la sanction, le Conseil constitutionnel souligne que ces faits n'entraînent pas une peine privative de droits. L'absence de caractère pénal de cette sanction l'a manifestement conduit à être moins exigeant pour apprécier la constitutionnalité de l'article L 442-6, I-2°du Code de commerce à l'égard du principe de légalité des délits.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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