Cass. ass. plén. 7 janvier 2011 n° 09-14.316 (n° 587 PBRI), Sté Philips France c/ Ministre de l'économie

L'Autorité de la concurrence ne peut pas prononcer des sanctions pécuniaires en fondant sa décision sur des enregistrements de conversations téléphoniques opérés à l'insu de l'auteur des propos.

Sauf disposition expresse contraire du Code de commerce, les règles du Code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la concurrence. Par ailleurs, l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve.

Ayant posé ces principes, l'assemblée plénière de la Cour de cassation vient de censurer un arrêt de la cour d'appel de Paris qui, pour prononcer des sanctions pécuniaires à l'encontre des fabricants de produits d'électronique grand public reconnus coupables d'ententes illicites et abus de position dominante, avait retenu comme moyen de preuve des enregistrements de communication téléphonique produits par l'entreprise plaignante. à noter

Dans la même affaire, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait déjà affirmé, en cassant un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris, qu'une juridiction civile ne peut pas fonder sa décision sur des enregistrements de conversations téléphoniques opérés à l'insu de l'auteur des propos (Cass. com. 3-6-2008 n° 07-17.147 : BRDA 12/08 inf. 17). Ce faisant, la chambre commerciale avait appliqué une jurisprudence bien établie des chambres civiles (Cass. soc. 20-11-1991 : Bull. civ. V n° 519 ; Cass. 2e civ. 7-10-2004 : Bull. civ. II n° 447).

La cour d'appel de Paris, statuant sur renvoi et autrement composée, avait néanmoins rendu une décision identique à son premier arrêt, ce qui explique l'intervention d'une assemblée plénière de la Cour de cassation. La cour d'appel de Paris appliquait au droit de la concurrence la jurisprudence de la chambre criminelle qui, se fondant sur l'article 427 du Code de procédure pénale, admet ces moyens de preuve dès lors qu'ils ne sont pas produits par des agents investis de la force publique (Cass. crim. 16-12-1997 : Bull. crim. n° 427).

Comme l'a souligné le communiqué de presse annonçant cette décision, « en statuant ainsi, la plus haute formation de la Cour de cassation marque son attachement au principe de la loyauté, qui participe pleinement à la réalisation du droit fondamental de toute partie à un procès équitable et s'applique en tout domaine, y compris en droit de la concurrence. Si les enjeux économiques ne doivent pas être ignorés du juge, ils ne peuvent cependant le détourner de l'obligation de statuer suivant les principes fondamentaux qui fondent la légitimité de son action. En rappelant que les règles générales du Code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la concurrence, sauf dispositions expresses contraires du Code de commerce, l'assemblée plénière de la Cour de cassation clarifie ainsi la nature du recours formé contre les décisions de celle-ci ».

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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