Cass. com. 18 janvier 2011 n° 10-12.005 (n° 22 FS-PB), Sté Becheret Thierry Senechal Gorrias c/ Sté Forclum

Dans le cadre d'un plan de cession prévoyant la reprise du personnel de l'entreprise en redressement judiciaire, l'assurance garantissant le paiement des indemnités de fin de carrière à verser aux salariés est transmise au repreneur.

Une entreprise avait souscrit un contrat d'assurance garantissant à ses salariés le paiement des indemnités de fin de carrière qu'elle leur devait. L'assureur prenait en charge la gestion financière des cotisations versées par l'entreprise. Cette dernière avait été mise en redressement judiciaire et ses actifs avaient fait l'objet d'un plan de cession avec reprise du personnel. Le commissaire à l'exécution du plan avait demandé à l'assureur la restitution des sommes détenues pour le compte de l'entreprise, à savoir les cotisations versées par celle-ci, augmentées des résultats nets de la gestion du fonds par l'assureur et diminuées des remboursements déjà effectués.

La Cour de cassation a rejeté cette demande aux motifs que :

  • bien que le contrat d'assurance ne confère aux salariés bénéficiaires des indemnités de fin de carrière aucun droit direct sur les fonds disponibles entre les mains de l'assureur, ces fonds sont exclusivement destinés au remboursement de ces indemnités, sans que l'employeur puisse en obtenir la restitution, même en cas de résiliation du contrat ;
  • la charge future du paiement des indemnités aux salariés repris dans le cadre d'un plan de cession pèse légalement sur le repreneur de l'entreprise.

Par suite, les fonds litigieux ne pouvaient pas être affectés au règlement d'autres dettes et devaient être conservés et gérés par l'assureur pour le compte du repreneur.

à noter

Solution inédite.

Les entreprises ont l'obligation de verser des indemnités de fin de carrière (IFC) à leurs salariés partant à la retraite (C. trav. art. L 1237-5 s.). D'un point de vue comptable, les IFC sont souvent évaluées à l'avance par les entreprises et provisionnées (il s'agit même d'une obligation pour les sociétés cotées). Pour faciliter cette prise en charge financière anticipée, les compagnies d'assurance proposent aux entreprises de leur constituer, en contrepartie du versement de cotisations, un fonds collectif propre à chacune qui leur servira à payer les IFC le moment venu. Des avantages fiscaux importants sont attachés à ce mode de financement : les cotisations versées à l'assureur sont déductibles du bénéfice imposable de l'entreprise alors que les provisions ne le sont pas.

Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation précise que les fonds ainsi détenus par un assureur pour le compte d'une entreprise ne peuvent pas, si cette dernière fait l'objet d'une procédure collective, servir à apurer le passif.

Dans cette affaire, la cour d'appel de Versailles avait aussi répondu par la négative mais en se fondant sur l'existence d'une stipulation pour autrui en faveur des salariés (le contrat d'assurance excluait pourtant tout droit direct de ceux-ci sur les fonds disponibles entre les mains de l'assureur) et sur le caractère accessoire du contrat d'assurance aux contrats de travail transmis. La Cour de cassation n'a pas repris cette motivation et s'est bornée à analyser l'objet du contrat en question. Les fonds entre les mains de l'assureur étaient sortis du patrimoine de l'entreprise assurée pour recevoir une affectation exclusive, destinée au seul remboursement des IFC. Le contrat d'assurance prévoyait d'ailleurs que, même en cas de résiliation du contrat, l'entreprise assurée ne pouvait pas récupérer les fonds, ceux-ci continuant à être affectés, jusqu'à épuisement, à la charge future des IFC.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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