Déjà dans son rapport annuel 2010, la CEDH avait annoncé une forte augmentation du nombre de
demandes de mesures provisoires (V. Dalloz actualité, 8 févr. 2011, obs. C. Fleuriot ). Ces mesures
d'urgence, prises en vertu de l'article 39 du règlement de la CEDH, ne s'appliquent, selon la pratique
constante de la Cour, que lorsqu'il y a un risque imminent de dommage irréparable (menaces contre la vie,
risques de torture et de traitements inhumains ou dégradants).
Dans une déclaration du 11 février 2011, le président de la Cour, Jean-Paul Costa, parle d'une «
augmentation alarmante » des demandes de sursis à l'exécution de mesures d'éloignement, d'extradition
ou d'expulsion. « Entre 2006 et 2010, la Cour a connu une augmentation de plus de 4 000 % du nombre de
demandes d'indication de mesures provisoires (…) : elle en a reçu 4 786 en 2010, contre 112 en 2006 »,
précise-t-il. En 2010, environ 40 % de ces demandes avaient été accueillies.
Face à un afflux aussi élevé des demandes, le président de la CEDH évoque le risque « que les cas de la
petite minorité de requérants dont la vie ou l'intégrité physique serait réellement menacée dans le pays de
destination ne soient pas examinés à temps pour empêcher le refoulement de ces personnes ». Il rappelle
que la Cour n'est pas une instance d'appel européenne des décisions en matière d'asile et d'immigration,
rendues par les juridictions nationales.
Il souligne également qu'une large majorité des demandes ne comporte pas suffisamment d'informations et
de documents pour permettre à la Cour d'évaluer correctement les risques afférents au retour. Pour y
remédier, un document, l'« Instruction pratique sur les demandes d'indication de mesures provisoires »,
détaille les conditions que les requérants et leurs représentants doivent respecter (éléments à fournir…). Il
est indiqué qu'en cas de non-respect de ces conditions, la Cour peut refuser d'examiner la demande.
Par ailleurs, Jean-Paul Costa demande aux États membres de prévoir au niveau national des recours à
l'effet suspensif, « fonctionnant de manière effective et juste conformément à la jurisprudence de la Cour,
ainsi qu'un examen équitable dans un délai raisonnable de la question du risque ». Il ajoute que lorsqu'une
affaire de principe, concernant la sécurité des personnes susceptibles d'être renvoyées vers un pays
donné, est pendante devant les juridictions nationales ou la CEDH, « les transferts vers ce pays doivent
être suspendus ».
Notons en France, l'absence de recours suspensif devant la Commission nationale du droit d'asile en cas
de procédure prioritaire. Les arrêtés de réadmission (dans le cadre de la convention de Schengen ou de la
procédure Dublin) ne peuvent pas non plus faire l'objet d'un tel recours ; toutefois, les sénateurs ont ajouté
dans le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, adopté par le Sénat en première
lecture le 10 février 2011, la possibilité d'un recours suspensif dans cette situation (art. 34 bis) (V. Dalloz
actualité, 16 févr. 2011, obs. M.-C. de Montecler et C. Fleuriot ).
C. Fleuriot
Dalloz actualité © Editions Dalloz 2011, 22 fév. 2011
Sources
Déclaration du président de la CEDH concernant les demandes de mesures provisoires