1. Évolution de la législation (aspects formels)

Afin d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur en modernisant et simplifiant les règles en matière de TVA, le Conseil de l’Union européenne a adopté le 12 fé- vrier 2008 la directive 2008/8/CE qui modifie le « lieu des prestations de service » (c’est-à-dire les règles de territo- rialité) antérieurement définis par la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. L’article 102 de la loi de finances pour 2010 a procédé à la transposition en droit interne des dispositions de cette directive (qui sont applicables, selon les cas, à compter du 1er janvier 2010, 2011, 2013 ou 2015). Pour l’essentiel, ces dispositions sont codifiées aux ar- ticles 259-0, 259, 259 A, 259 B, 259 C et 259 D du code général des impôts (CGI). Les nouvelles règles relatives à la territorialité des prestations de services ont vocation à s’appliquer dans tous les États membres de l’Union européenne, de sorte qu’elles ne doivent pas normalement don- ner lieu à des distorsions de concurrence. Toutefois, dans l’hypothèse de difficultés trouvant leur origine dans des divergences d’interprétation entre États membres (cas de non imposition ou de double imposition), les entreprises intéressées sont invitées à saisir le réseau SOLVIT (sys- tème de résolution de problèmes en ligne) afin que leur dossier fasse l’objet d’une procédure de conciliation entre les administrations natio- nales.

2. Évolution de la législation (aspects substantiels)

Avant le 1er janv. 2010, les règles de territorialité appli- cables aux échanges internationaux de service étaient fon- dées, à titre principal, sur la nature des prestations de ser- vice et, subsidiairement, sur la qualité du bénéficiaire de la prestation. Depuis le 1er janv. 2010, la solution inverse est retenue par la législation : les règles de territorialité applicables aux échanges internationaux de service sont fondées, à titre principal, sur la qualité du bénéficiaire de la presta- tion et, subsidiairement, sur la nature des prestations de service. On examinera donc successivement les règles de territorialité applicables aux services : - fournis à un assujetti (I) ; - fournis à un non-assujetti (II).

I. – PRESTATIONS FOURNIES À UN ASSUJETTI

3. Définition des assujettis

Pour l’application des règles de territorialité relatives aux prestations de services, un assujetti s’entend : a) de toute personne réalisant des opérations entrant dans le champ d’application de la TVA (CGI, art. 259- 0, 1°) ; Il peut indifféremment s’agir d’un assujetti « ordinaire » réali- sant des opérations taxées, d’un assujetti partiel ou d’un assujetti exonéré. Pour la détermination du lieu des prestations de services, un as- sujetti est réputé agir comme un non assujetti lorsqu’il acquiert des services pour ses besoins privés ou ceux de son personnel (CJCE, 8 mars 2004, n° C-415/98, Baksci). b) d’une personne morale non assujettie qui a choisi de s’identifier à la TVA (CGI, art. 259-0, 2°). Ces définitions sont également applicables aux personnes phy- siques ou morales établies dans un pays ou un territoire tiers à la Communauté européenne. Il revient alors au prestataire dans le cadre des relations d’affaires qu’il entretient avec son client de s’assurer par tout moyen de la position de son client au regard de ces critères.

4. Principe et exception

Sauf lorsqu’ils relèvent de la catégorie limitative des prestations « matérielle- ment localisables » (B), les services fournis à un assu- jetti sont soumises à la TVA du lieu d’établissement du bénéficiaire (A).

A. – Principe

5. Application de la TVA du lieu d’établissement du bénéficiaire assujetti

Selon le droit communau- taire « le lieu des prestations de services fournies à un assujetti agissant en tant que tel est l’endroit où l’assu- jetti a établi le siège de son activité économique » (Dir. 2006/112/CE, art. 44). Il en résulte, en particulier, qu’une prestation de ser- vices est passible en principe de la TVA française, lorsque le bénéficiaire du service est un assujetti qui possède en France le siège de son activité économique (CGI, art. 259, 1°). Selon l’administration, le lieu du siège de l’activité économique doit être déterminé à partir d’un faisceau d’indices et, notamment, en considération du lieu du siège statutaire de l’entreprise ou de celui de réunion de ses dirigeants. L’établissement stable possédé, le cas échéant, par une entre- prise dans un État distinct de celui dans lequel se trouve le siège de son activité économique est considéré comme une entreprise auto- nome pour l’application des règles de territorialité (Dir. 2006/112/CE, art. 44). Cette assimilation – qui concerne l’ensemble du régime de territorialité de la TVA applicable aux prestations de services – se produit aussi bien lorsque cet établissement acquiert un service ou le fournit. Selon l’administration, un établissement stable est une entité économique caractérisé par un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique, à rendre possible, selon le cas, la fourniture d’un service ou l’utilisa- tion des services qui lui sont rendus. A titre subsidiaire, le lieu des prestations de services est l’endroit où le bénéficiaire assujetti a son domicile ou sa résidence habituelle.

6. Redevable de la TVA

Lorsqu’une prestation de services (que l’on suppose imposable en France) est four- nie par un assujetti qui n’est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur, dès lors qu’il a la qualité d’assujetti établi en France (CGI, art. 283, 2). Le principe selon lequel la TVA doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, c’est-à-dire, en matière de pres- tations de service, par le prestataire (CGI, art. 283, 1, al. 1) est donc écarté. Pour l’application de cette règle, un assujetti qui réalise une presta- tion de services imposable en France et qui y dispose seulement d’un établissement stable ne participant pas à la réalisation de cette prestation est considéré comme un assujetti établi hors de France (CGI, art. 283-0). Aucune solidarité du prestataire n’est légalement prévue dans ce cas.

7. Exigibilité de la TVA

La TVA est exigible lors du fait générateur (c’est-à-dire au moment où la prestation est effectuée (CGI, art. 269, 1, a) ou, le cas échéant, lors de l’encaissement des acomptes (CGI, art. 269, 2, b bis).

B. – Exceptions

1) Exceptions légales : régime des services « maté- riellement localisables

a) Généralités

8. Autre critère de territorialité

Par dérogation au principe de l’application de la TVA du lieu d’établisse- ment du bénéficiaire assujetti de la prestation, la législa- tion retient, à l’égard de certaines prestations, un autre cri- tère de désignation de la TVA applicable. Naturellement, l’application de cet autre critère ne conduit pas né- cessairement à la désignation d’une TVA autre que celle du lieu d’éta- blissement du bénéficiaire assujetti de la prestation. Ces prestations pourront être soumises à la TVA fran- çaise, même si le bénéficiaire assujetti est établi hors de France. Limitativement énumérées par la loi et souvent qualifiées de « matériellement localisables », ces presta- tions présentent généralement la caractéristique de s’exer- cer sur un support physique et de ne pouvoir être rendues à distance. Jusqu’en 2009, la loi française comportait d’autres aménagements concernant les prestations immatérielles acquises par des assujettis. De- puis le 1er janv. 2010, ces prestations relèvent du principe général énoncé plus haut (v. § 1.2). La loi distingue cinq catégories de prestations « maté- riellement localisables ».

9. Redevable de la TVA

La règle selon (CGI, art. 283, 1, al. 1er) laquelle la TVA doit être acquittée, en prin- cipe, par les personnes qui réalisent les opérations impo- sables (c’est-à-dire le fournisseur ou le prestataire) est le plus souvent écartée à l’égard des prestations « matérielle- ment localisables » internationales fournies à des assujet- tis. En effet, lorsqu’une telle prestation de services est ef- fectuée par un assujetti établi hors de France, la TVA est acquittée par le bénéficiaire, dès lors que ce dernier a la qualité d’assujetti et est identifié à la TVA en France (CGI, art. 283, 1, al. 2nd). Naturellement, dans l’hypothèse où le bénéficiaire ne serait pas identifié à la TVA en France, la TVA est due par le prestataire, alors même qu’il ne serait pas établi en France. Dans cette hypothèse, le bénéficiaire, s’il est établi en dehors de la Communauté européenne, doit désigner un représentant fiscal en France. Aucune solidarité du prestataire n’est légalement prévue dans ce cas.

10. Exigibilité de la TVA

En l’absence de dis- positions dérogatoires, la TVA frappant les prestations de services « matériellement localisables » internatio- nales est exigible lors de l’encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d’après les débits (CGI, art. 269, 2, c).

b) Énumération des prestations matériellement lo- calisables

11. Locations de moyens de transport de courte durée

Lorsqu’elles sont de courte durée, les loca- tions de moyens de transport sont soumises à la TVA de l’État dans lequel le moyen de transport est mis à disposition du preneur (Dir. 2008/8/CE, art. 56, 1). Il en résulte que ces prestations sont soumises à la TVA française lorsque le moyen de transport est effec- tivement mis à la disposition du preneur en France (CGI, art. 259 A, 1°, puis, à compter du 1er janv. 2013, CGI, art. 259 A, 1°, a). La location de courte durée s’entend de la possession ou de l’uti- lisation continue du moyen de transport pendant une période ne dé- passant pas 30 jours ou, dans le cas d’un moyen de transport mari- time, 90 jours.

12. Prestations de services rattachées à un im- meuble

Les prestations de services rattachées à un bien immeuble sont passibles de la TVA du lieu de si- tuation de l’immeuble (Dir. 2006/112/CE, art. 47). Il en résulte que ces prestations sont soumises à la TVA française lorsqu’elles se rattachent à un bien im- meuble situé en France (CGI, art. 259 A, 2°). Sont notamment visées à ce titre, les prestations d’experts et d’agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier (ou de secteurs similaires), l’octroi de droits d’utilisa- tion d’un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à co- ordonner l’exécution de travaux immobiliers (prestations d’architec- ture ou de surveillance de l’exécution de travaux immobiliers).

13. Services de restaurant et de restauration

Le lieu des prestations de services de restaurant et de restauration est le lieu où les prestations sont matériel- lement exécutées (Dir. 2006/112/CE, art. 55). Selon la loi française, les « ventes à consommer sur place » sont soumises à la TVA française lorsqu’elles sont matériellement exécutées ou exercées en France ou, à compter du 1er janvier 2011, sont matériellement exécutées ou ont effectivement lieu en France (CGI, art. 259 A, 5°, b) ; Cette règle s’applique, selon des modalités particulières, aux ventes à consommer sur place réalisées matériellement à bord d’un véhicule de transport de passagers. Par exemple, dans le cas des pres- tations se rapportant à des transports intracommunautaires de passa- gers, le lieu des prestations de services de restaurant est le lieu de départ du transport des passagers (Dir. 2006/112/CE, art. 57).

14. Prestations des agences de voyage

La prestation de services dite « unique » d’une agence de voyages est passible de la TVA française lorsque l’agence a en France le siège de son activité économique (CGI, art. 259 A, 8°) ; L’agence de voyages réalise une prestation de services unique lors- qu’elle agit, en son propre nom, à l’égard du client et utilise, pour la réa- lisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services fournis par d’autres assujettis.

15. Prestations de services ayant pour objet des ac- tivités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires Le lieu des prestations de services ayant pour objet des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires est l’endroit où ces activités sont matériellement exercées (Dir. 2006/112/CE, art. 53). Sont en particulier visées par cette règle, les prestations consistant à donner accès à des foires et expositions, y compris les prestations de ser- vices des organisateurs de telles activités, ainsi que les prestations de services accessoires à ces activités.

La loi française retient, à l’égard de ces prestations, la distinction suivante : a) entre le 1er janv. et le 31 déc. 2010, ces prestations sont imposables à la TVA française lorsqu’elles sont ma- tériellement exécutées ou exercées en France (CGI, art. 259 A, 5°, a) ; b) à compter du 1er janv. 2011, seules sont passibles de la TVA française les prestations de services (ainsi que celles qui leur sont accessoires) consistant à donner accès à de telles manifestations, lorsqu’elles ont effectivement lieu en France (CGI, art. 259 A, 5° bis). 2) Exemption doctrinale : exonération des services extracommunautaires liés à des opérations de transport

16. Exception doctrinale

L’administration fiscale française a admis (Instr. 4 janv. 2010 : BOI 3 A-1-10, n° 27) que certaines prestations de services puissent échap- per à la TVA française alors, pourtant, qu’elles sont four- nies à des assujettis établis en France. Admise par le droit communautaire (Dir. 2006/112/CE, art. 59 bis, a) cette so- lution concerne des prestations limitativement énumérées et, en particulier, des prestations se rapportant à des opé- rations de transport à la condition qu’elles soient matériel- lement exécutées hors de la Communauté européenne. Les prestations visées pas ce dispositif doctrinal sont les : - les transports de marchandises et les commissions afférentes à ces transports ; - les prestations de convoyage de moyens de transport pour les be- soins de transport de marchandises ; - les locations de moyens de transport et de matériels pour les be- soins de transports de marchandises ; - le gardiennage, le magasinage, la manutention, le chargement et le déchargement des marchandises. Selon les cas, ces prestations sont regardées comme matériellement exécutées hors de la Communauté à raison de la distance parcourue hors de la Communauté européenne ou à raison du lieu de leur exécution ma- térielle.



II. – PRESTATIONS FOURNIES À UN NON-ASSUJETTI (PARTICULIER OU PERSONNE MORALE NON ASSUJETTIE)

A. – Présentation générale

17. Définition des non assujettis

Pour l’applica- tion des règles de territorialité relatives aux prestations de services, un non assujetti s’entend : - de toute personne physique réalisant exclusive- ment des opérations n’entrant pas dans le champ d’ap- plication de la TVA ; - de toute personne morale non identifiée à la TVA réalisant exclusivement des opérations n’entrant pas dans le champ d’application de la TVA (CGI, art. 259- 0, a contrario).

18. Principe apparent

Les règles de territoriali- té applicables depuis le 1er janv. 2010 aux services in- ternationaux fournis à des non assujettis sont nettement plus complexes que celles relatives aux services fournis aux entreprises.

1) Le droit communautaire pose apparemment un principe simple : l’application de la TVA de l’État de départ de la prestation. En effet, « le lieu des presta- tions de services fournies à une personne non assujet- tie est l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique » (Dir. 2006/112/CE, art. 45). Ce principe se trouve naturellement transposé dans la loi française : « Le lieu des prestations de services est situé en France lorsque le preneur est une per- sonne non assujettie, si le prestataire a établi en France le siège de son activité économique ... » (CGI, art. 259, 2°).

2) Au-delà des apparences, la présentation des règles applicables ne passe pas par la distinction entre une solution de principe et des exceptions. Largement vidé de sa substance, le principe sus énoncé subit en effet une double concurrence :

a) il se heurte, d’abord, à de multiples exceptions. Ceci est sans doute le propre d’un principe. Toutefois, au cas d’espèce, les exceptions sont si nombreuses que le principe est en pratique d’application exception- nelle ; Ces exceptions concernent notamment : - les prestations matériellement localisables (faisant appel à un autre critère de désignation de la TVA applicable que celui de l’ap- plication de la TVA de l’État d’établissement du prestataire) ; - les prestations immatérielles, qui ne donnent pas lieu à l’appli- cation de la TVA de l’État de départ lorsqu’elles sont « exportées ».

b) il est associé – ce qui est plus inhabituel – à un principe complémentaire, c’est-à-dire, en réalité concurrent.

Ce principe « discret » consiste dans l’application (avant comme après le 1er janv. 2013) de la TVA française aux prestations « impor- tées » dans la Communauté européenne, à la seule condition que le service (fourni à un non assujetti) est effectivement utilisé ou exploi- té en France (CGI, art. 259 C, 1°). Compte tenu de ce double phénomène, la présentation des règles de territorialité positives passe en réalité par la distinction de différentes catégories de prestations, aux- quelles sont applicable un certain nombre de règles spé- ciales :

1) les prestations « matériellement localisables » (1), qui peuvent être générales ou spéciales ;

2) les prestations immatérielles (2), « ordinaires » et « spéciales » (ie les prestations rendues par voie électro- nique et assimilées) ;

3) les autres prestations de services qui, curieusement, ne se voient pas appliquer exclusivement le principe appa- rent susmentionné (v. n° 18), mais, en réalité, des règles assez comparables à celles dont relèvent les prestations immatérielles « ordinaires » (3).

19. Redevable de la TVA

La règle générale selon laquelle la TVA doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, c’est-à-dire, en ma- tière de prestations de service, par le prestataire de service (CGI, art. 283, 1, al. 1) ne connait pas d’exception lorsque le bénéficiaire du service est un non-assujetti. Bref, lorsqu’un service est fourni à un non assujetti, le redevable légal de la TVA est en toute hypothèse le pres- tataire de services. Le redevable de la TVA, lorsqu’il est établi en de hors de la Com- munauté européenne, doit toutefois désigner un représentant fiscal ac- crédité en France (CGI, art. 298 A). Lorsque cette obligation n’est pas respectée, la TVA est due par le destinataire de l’opération imposable.

B. – Règles applicables aux différentes catégories de services

1) Régime des services « matériellement localisables »

a) Généralités

20. Diversité des prestations matériellement locali- sables

Une première série de règles spéciales s’ap- plique aux prestations de service matériellement locali- sables. Limitativement énumérées par la loi, ces presta- tions peuvent être :

  • des prestations matériellement localisables « géné-
  • rales » (recevant la même qualification lorsque ces ser-
  • vices sont fournis à une entreprise)
  • des prestations matériellement localisables « spé-
  • ciales » (ne recevant pas cette qualification lorsque ces
  • services sont fournis à une entreprise).

b) Prestations matériellement localisables « géné- rales »

21. Définition (et renvoi)

Certaines règles de terri- torialité déjà examinées au titre des services fournis aux entreprises (v. nos 11 à 14) s’appliquent mutatis mutandis dans le cas des fournitures internationales de service à des non assujettis. Toutefois, dans toutes ces hypothèses, le redevable de la TVA est le prestataire de service et non son bénéficiaire. Ces prestations sont :

  • les locations de moyens de transport de courte du-
  • rée (v. n° 11) ;
  • les prestations se rattachant à un immeuble (v. n° 12) ;
  • les ventes à consommer sur place (v. n° 13) ;
  • les prestations uniques des agences de voyage (v. n° 14).

c) Prestations matériellement localisables « spéciales »

22. Définition

Certaines prestations ne sont matériellement localisables que lorsqu’elles sont fournies à un non assujetti. Ces prestations localisables « spé- ciales » sont nombreuses.

23. Locations de moyen de transport de longue durée (régime applicable à compter du 1er janv. 2013)

A compter du 1er janv. 2013, les locations de moyen de transport de longue durée relèvent de règles spé- ciales. La location de longue durée s’entend de la possession ou de l’utilisation continue du moyen de transport pendant une période dé- passant 30 jours ou, dans le cas d’un moyen de transport maritime, 90 jours (CGI, art. 259 A, 1°, a contrario). Ces prestations sont passibles de la TVA française dans l’un ou l’autre des deux cas suivants :

  • lorsque le locataire est établi (ou a son domicile

ou sa résidence habituelle) en France (CGI, art. 259 A, 1°, b) ;

  • lorsque le loueur est établi hors de la Communau-

té européenne et que le véhicule loué est effectivement utilisé ou exploité en France (CGI, art. 259 C, 2°). Un régime spécial s’applique, à compter du 1er janv. 2013, à la location de longue durée (et en particulier au leasing) de bateau de plaisance (CGI, art. 259 A, 1°, c, et CGI, art. 259 C, 1° et 2°). Jusqu’au 31 déc. 2012, les locations de moyen de transport de longue durée appartiennent théoriquement de la catégorie des presta- tions ordinaires. Elles relèvent toutefois de règles de territorialité spé- ciales. En effet, elles sont imposables en France dans l’un ou l’autre des deux cas suivants : - lorsque le loueur est établi en France (CGI, art. 259, 2°) ; - lorsque le loueur et le locataire sont tous deux établis (ou ont leur domicile ou leur résidence habituelle) hors de la Communauté européenne et que le véhicule loué est effectivement utilisé ou ex- ploité en France (CGI, art. 259 C, 2°).

24. Prestations de transport et prestations accessoires

Lorsqu’elles sont fournies à des non assujet- tis, les prestations de transport obéissent à des règles de territorialité spéciales : 1) les prestations de transport intracommunautaire de biens sont soumises à la TVA française lorsque le lieu de départ du transport est en France (CGI, art. 259 A, 3°) ; 2) les autres prestations de transport de biens et les prestations de transport de passagers sont soumises à la TVA française au prorata des distances parcourues en France (CGI, art. 259 A, 4°) ; 3) les activités accessoires au transport (charge- ment, déchargement, manutention et activités simi- laires) sont soumises à la TVA française lorsqu’elles sont matériellement exécutées en France (CGI, art. 259 A, 6°, a).

25. Prestations de services ayant pour objet des ac- tivités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires

Lorsqu’elles sont fournies à des non assujettis, ces prestations sont soumises à la TVA française lorsqu’elles sont maté- riellement exécutées ou exercées en France ou, à compter du 1er janv. 2011, lorsqu’elles ont effectivement lieu en France (CGI, art. 259 A, 5°, a). Sont en particulier visées par cette règle, les prestations consistant à donner accès à des foires et expositions, y compris les prestations de ser- vices des organisateurs de telles activités, ainsi que les prestations de services accessoires à ces activités. On rappelle que, à compter du 1er janv. 2011, lorsqu’elles sont four- nies à un assujetti, seules sont passibles de la TVA française les presta- tions de services (ainsi que celles qui leur sont accessoires) consistant à donner accès à de telles manifestations, lorsqu’elles ont effectivement lieu en France (v. n° 12).

26. Expertise et travaux portant sur des biens meubles corporels

Ces prestations sont passibles de la TVA française lorsqu’elles sont matériellement exécutées en France (CGI, art. 259 A, 6°, b) ;

27. Prestations des intermédiaires transparents

Les prestations de services fournies par un intermédiaire agissant au nom et pour le compte d’autrui est passible de la TVA française lorsque le lieu de l’opération principale est situé en France (CGI, art. 259 A, 7°).

2) Régime des prestations de services « immatérielles »

a) Services immatériels « ordinaires »

28. Définition

Limitativement énumérées par la loi, ces prestations s’entendent des prestations immatérielles autres que les services rendus par voie électronique et les services assimilés.

29. Énumération légale des services immatériels « ordinaires »

La loi dresse la liste limitative des pres- tations immatérielles. Il s’agit :

  • des cessions et concessions de droits d’auteurs, de

brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d’autres droits similaires ;

  • des locations de biens meubles corporels autres que

des moyens de transport ;

  • des prestations de publicité ;
  • des prestations de conseil ;

Sont visées à ce titre, les prestations des conseillers, ingénieurs, bu- reaux d’études dans tous les domaines y compris ceux de l’organisation de la recherche et du développement ainsi que celles des experts-comp- tables.

  • des services de traitement de données et fournitures

d’information ;

  • des opérations bancaires, financières et d’assurance

ou de réassurance ; Les prestations bancaires consistant dans la location de coffres- forts sont des prestations se rattachant à un immeuble (v. § 1.3.2.), c’est-à-dire des prestations matériellement localisables.

  • des services consistant dans la mise à disposition

de personnel ;

  • des prestations consistant dans l’obligation de ne

pas exercer (même à titre partiel), une activité profes- sionnelle ou un droit relevant des prestations immaté- rielles ;

  • des prestations permettant l’accès aux réseaux de

transport et de distribution d’électricité ou de gaz natu- rel, l’acheminement par ces réseaux et tous les autres services qui leurs sont directement liés.

30. Règles de territorialité applicables aux services immatériels « ordinaires »

Ces prestations relèvent des règles de territorialité suivantes :

a) Elles ne sont pas passibles de la TVA française lorsque, le prestataire étant établi en France, elles sont fournies à un bénéficiaire (par hypothèse non assujetti) domicilié en dehors de la Communauté européenne (CGI, art. 259, 2°, et CGI, art. 259 B, al. 1er) ; Selon le droit communautaire le lieu des prestations immaté- rielles, « fournies à une personne non assujettie qui est établie ou a son domicile ou sa résidence habituelle hors de la Communauté, est l’endroit où cette personne est établie ou a son domicile ou sa rési- dence habituelle » (Dir. 2008/8/CE, art. 59, al. 1er). En d’autres termes, ne sont pas soumises à la TVA de l’État de départ les « exportations » (ie hors Communauté européenne) de ser- vices immatériels ordinaires.

b) Ces prestations sont passibles de la TVA française dans l’un ou l’autre des deux cas suivants :

1) elles sont fournies par un prestataire établi en France à un bénéficiaire (par hypothèse non assujetti) domicilié dans la Communauté européenne (CGI, art. 259, 2°, et CGI, art. 259 B, al. 1er, a contrario) ; En d’autres termes, les « livraisons intracommunautaires » de services immatériels ordinaires sont soumises à la TVA de l’État de « départ » du service.

2) fournies par un prestataire établi hors de la Com- munauté européenne, elles sont effectivement utilisées ou exploitées en France par un bénéficiaire (par hypothèse non assujetti) établi dans la Communauté européenne (CGI, art. 259 C, 1°). En droit communautaire, cette règle de taxation dans l’État d’« arrivée » des « importations » (ie hors Communauté européenne) de services immatériels ordinaires est facultative pour les États membres (Dir. 2008/8/CE, art. 59 bis). En dépit des modifications affectant l’art. 259 C, 1°, du CGI, cette dernière règle s’applique avant comme après le 1er janv. 2013.

b) Services immatériels « spéciaux »

31. Énumération légale des services immatériels « spéciaux » (rendus par voie électronique et assimilés)

Les services immatériels spéciaux sont :

1) les prestations de services fournies par voie électro- nique ;

Selon l’art. 98 C de l’Ann. III au CGI, les prestations de services fournis par voie électronique s’entendent de : - la fourniture et l’hébergement de sites informatiques, la mainte- nance à distance de programmes et d’équipement ; - la fourniture de logiciels et la mise à jour de ceux-ci ; - la fourniture d’images, de textes et d’informations et la mise à dis- position de bases de données ; - la fourniture de musique, de films et de jeux, y compris les jeux de hasard ou d’argent, et d’émissions ou de manifestations politiques, culturelles, artistiques, sportives, scientifiques ou de divertissement ; - la fourniture de services d’enseignement à distance. Le droit communautaire prévoit expressément que le fait qu’un prestataire de services et son client communiquent par courrier électro- nique ne signifie pas en soi que le service en cause est fourni par voie électronique (Dir. 2008/8/CE, art. 59 in fine).

2) les prestations de télécommunications ;

Il s’agit, par exemple, des ventes de télécartes ou des abonnements permettant l’accès à un réseau du type Internet et offrant un bouquet de services pour un prix global.

3) les prestations de radiodiffusion et de télévision ;

32. Règles de territorialité applicables aux presta- tions rendues par voie électronique stricto sensu

Les prestations rendues par voie électronique relèvent des règles suivantes :

a) Elles ne sont pas passibles de la TVA française lorsque, le prestataire étant établi en France, elles sont fournies à un bénéficiaire (par hypothèse non assujetti) domicilié en dehors de la Communauté européenne (CGI, art. 259, 2°, et CGI, art. 259 B, al. 1er) ; En d’autres termes, ne sont pas soumises à la TVA française les « exportations » (ie hors Communauté européenne) de services rendus par voie électronique.

b) Ces prestations sont passibles de la TVA française :

  • jusqu’au 31 déc. 2014, lorsqu’elles sont fournies à un

bénéficiaire (par hypothèse non assujetti) domicilié en France par un prestataire établi en dehors de la Commu- nauté européenne (CGI, art. 259 D) ; Un régime simplifié de perception de la TVA est applicable sur op- tion au redevable extracommunautaire (CGI art. 298 sexdecies).

  • à compter du 1er janv. 2015, lorsqu’elles sont four-

nies à un bénéficiaire (par hypothèse non assujetti) domi- cilié en France, indépendamment du lieu d’établissement du prestataire (CGI, art. 259 D) ;

En d’autres termes : 1) les importations de services rendus par voie électronique sont toujours passibles de la TVA du pays d’arrivée ; 2) les prestations intracommunautaires rendues par voie électro- nique relèvent :

  • jusqu’au 31 déc. 2014, de la TVA du pays de départ ;
  • à compter du 1er janv. 2015, de la TVA du pays d’arrivée.

33. Règles de territorialité applicables aux pres- tations de télécommunication, de radiodiffusion et de télévision  Les prestations de télécommunication, de radiodiffusion et de télévision suivent :

  • jusqu’au 31 déc. 2014, les règles de territorialité

applicables aux prestations immatérielles ordinaires ;

  • à compter du 1er janv. 2015, les règles de territo-

rialité applicables aux services rendus par voie électro- nique.

3) Autres prestations de services (solution rési- duelles)

34. Autres prestations

Les autres prestations de service sont passibles de la TVA française dans les deux cas suivants :

a) lorsque le prestataire de service est établi en France ou y possède son domicile ou sa résidence habi- tuelle (CGI, art. 259, 2°). La TVA française s’applique y compris dans le cas ou le bénéficiaire du service (par définition non assu- jetti) est établi ou domicilié en dehors de la Commu- nauté. Bref, les « exportations » de services ordinaires restent soumises à la TVA du pays de départ. C’est exclusivement à ce dernier point de vue que se distinguent les règles applicables à la généralité des prestations de service et celles dont relèvent les prestations immaté- rielles ordinaires.

b) lorsque, fournies par un prestataire établi hors de la Communauté européenne, elles sont effectivement utilisées ou exploitées en France par un bénéficiaire (par définition non assujetti) établi (ou ayant son domi- cile ou sa résidence habituelle) dans la Communauté européenne (CGI, art. 259 C, 1°). En d’autres termes, les « importations » (ie hors Communauté européenne) de services sont soumises à la TVA de l’État d’« arri- vée » du service. En dépit des modifications affectant l’art. 259 C, 1°, du CGI, cette dernière règle s’applique avant comme après le 1er janv. 2013.

Olivier Négrin, Professeur de Droit public, Faculté de droit et science politique, Université Lumière - Lyon 2