1. Le discours prononcé par le Président de la République lors de la deuxième conférence sur le déficit (Palais de l’Élysée, 20 mai 2010) a été l’occasion de l’annonce d’une nouvelle réforme constitutionnelle.

2. Suscitant, il faut en convenir, de sérieuses réserves, seul l’élément principal de cette réforme annoncée a concentré l’attention et les critiques de l’opposition : la Constitution réformée fera « obligation à chaque Gouvernement issu des urnes de s’engager pour cinq ans sur une trajectoire de déficit. Chaque gouvernement devrait simultanément s’engager sur la date à laquelle l’équilibre des finances publiques est atteint ».

3. A côté de cette nouvelle « règle d’or » financière, l’annonce présidentielle comportait deux autres éléments de réforme moins spectaculaires.

4. Le premier est d’ordre essentiellement symbolique : les pouvoirs financiers du Parlement seraient (une nouvelle fois) renforcés ; il lui sera permis, bientôt, de se prononcer par un vote sur les engagements en matière de finances publiques pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens (notons, sans y insister, que la nécessité d’une réforme constitutionnelle pour permettre un tel vote est des plus douteuse).

5. Le second élément secondaire consiste dans une mesure particulièrement salutaire. Fréquemment suggérée et longtemps attendue, elle ne pourra que réjouir les fiscalistes exposés à une prolifération de textes aussi abondante que diffuse : il s’agit, selon les termes du discours présidentiel de « confier à la loi de finances la compétence exclusive sur les dispositions fiscales ».

6. Prenant acte de l’urgence de rationaliser la production législative en matière fiscale, une circulaire du premier ministre du 4 juin 2010 procède à la mise en application anticipée de cette mesure (dont la traduction constitutionnelle ne pourra pas avoir lieu au mieux, compte tenu du calendrier parlementaire, avant le printemps 2011).

7. Cette circulaire donne instruction aux membres du Gouvernement : - de ne plus insérer, pour l’avenir, de dispositions fiscales (ou qui affectent les recettes de la sécurité sociale) dans les projets de lois ordinaires. Ces dispositions s’appliquent à tous les projets de lois n’ayant pas encore été déposés sur le bureau d’une assemblée ; - pour les textes déjà déposés (ou résultant d’une initiative parlementaire) de présenter des amendements tendant à la suppression des dispositions fiscales et d’opposer un avis négatif à tout amendement qui tendrait à en introduire (v. le vade-mecum figurant en ANNEXE). En outre, le Premier ministre demande aux ministres de veiller personnellement au strict respect de ces instructions et de rendre compte au Premier ministre des conditions de leur application à l’issue de chaque discussion parlementaire (JO, 11 juin 2010).

8. Dans l’attente de la révision annoncée, cette prescription revêt une portée limitée (qui fait ressortir, ici, la nécessité juridique de la modification de la loi fondamentale) : seuls les membres du Gouvernement sont tenus de respecter les termes de cette circulaire qui ne saurait s’imposer, naturellement, aux parlementaires. Gageons toutefois que la mesure salutaire qu’elle contient inspirera, dans l’intervalle, les travaux de la représentation nationale et que ceux-ci s’abstiendront de saupoudrer de nouvelles dépenses fiscales les textes ordinaires examinés par les chambres.

Mesures à prendre pour les textes déjà déposés ou résultant d'une initiative parlementaire.

1. Il convient de demander aux commissions des finances ou des affaires sociales des deux assemblées de se saisir pour avis des projets et propositions de loi qui n’entrent pas dans leur domaine de compétence mais comportent des dispositions fiscales ou affectant les recettes de la sécurité sociale.

2. Les dispositions de même nature contenues dans des projets ou propositions de loi dont l’examen par la commission de la première assemblée saisie n’a pas encore débuté devront faire systématiquement l’objet d’amendements de suppression.

3. Dans les textes plus avancés, les membres du Gouvernement s’abstiendront, à tout stade ultérieur de la discussion, d’introduire de nouvelles dispositions de cette nature et donneront, dès le stade de l’examen en commission, un avis défavorable aux amendements parlementaires ayant un tel objet. Ils ne devront en aucun cas s’en remettre à la sagesse du Parlement.

4. Dans l’hypothèse où un amendement parlementaire serait malgré tout adopté, on s’abstiendra, le cas échéant, de lever le « gage » censé assurer la recevabilité de l’amendement au regard de l’article 40 de la Constitution.

Olivier Négrin Professeur de Droit public Université Lumière Lyon 2