1. Les « niches fiscales » (c’est-à-dire les mesures dérogatoires conduisant, pour l’État, à une perte de recette) concernent essentiellement l’imposition des revenus des personnes physiques. Il est vrai que leur poids est, en cette matière, particulièrement lourd : 37 milliards d’euros, soit 50 % du total des niches.

2. Mais chaque impôt (ou peu s’en faut) a ses propres niches. C’est ainsi que les pertes de recette d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) liées à ces mesures dérogatoires dépassent 1 milliard d’euros (soit, tout de même, 28 % du produit de cet impôt).

3. Interrogé sur le champ d’application du « rabotage » annoncé des niches fiscales, M. J.-F. Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a indiqué le 10 juin 2010 que, selon lui, le « rabotage » de 10 % devrait s’appliquer sur toutes les niches, « sans exception ». Cette mesure générale devrait donc également concerner les redevables de l’ISF logées dans l’une ou l’autre des niches offertes par notre législation. Hors effets collatéraux (sur le bouclier fiscal par ex.), le coup de rabot ISF devrait donc faire économiser 110 millions d’euros à l’État.

4. On peut rappeler, à cet égard, que, pour 2010, les principales atténuations d’ISF regardées (selon des critères assez incertains) comme d’authentiques niches fiscales sont les suivantes : a) Réduction d’ISF au titre de l’investissement dans le capital de PME (CGI, art. 885-0 V bis) : 670 millions d’euros ; b) Exonération partielle (75 %) des parts et actions détenues par les mandataires sociaux et les salariés (CGI, art. 885 I quater) : 240 millions d’euros ; c) Exonération intégrale des placements financiers « français » des non-résidents de France (CGI, art. 885 L) : 65 millions d’euros ; d) Exonération partielle (75 %) des biens ayant la nature de bois et forêts (CGI, art. 885 H et 793, 2) : 50 millions d’euros e) Réduction d’ISF au titre des dons à certains organismes d’intérêt général (CGI, art. 885-0 V bis A) : 50 millions d’euros.

5. On notera, sans y insister, que l’exonération (généralement intégrale) applicables aux biens professionnels (CGI, art. 885 A, in fine, et 885 N, 885 O, 885 O bis, 885 O ter, 885 O quater, 885 O quinquies, 885 P et 885 R) n’est pas regardée comme une niche fiscale alors, pourtant, que c’est certainement la mesure dérogatoire la plus coûteuse en matière d’ISF. Il en va de même de l’abattement d’assiette de 30 % applicable à la résidence principale (CGI, art 885 S.) qui est regardé comme une simple modalité d’assiette et non comme une exonération partielle. Ces deux mesures (comme d’ailleurs celle tenant à l’exonération des œuvres d’art et assimilées) ne devraient pas être concernés par le tour de vis fiscal.

Olivier Négrin Professeur de Droit public Université Lumière Lyon 2