L'avant projet de réforme de la garde à vue prévoit :

- Désormais, la garde à vue ne sera possible que si une peine de prison est encourue et uniquement pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à 5 ans. La garde à vue doit être limitée aux strictes nécessités de l'enquête et doit permettre la manifestation de la vérité.

- Une audition libre est possible pour les délits énoncés ci-dessus, la durée de l'audition ne pouvant pas excéder 4 heures, même après l'interpellation. Ni fouille ni menottes sont autorisées lors d'une audition libre.

- Un entretien avec un avocat de trente minutes est prévu en début de garde à vue et à la 12e heure. Dans le cas où la garde à vue excède 24 heures, l'avocat peut assister son client lors des auditions (sauf dérogation, ex: terrorisme)

- L'avocat reçoit au fur et à mesure une copie des procès verbaux d'auditions déjà réalisés.

- Tout aveu ou déclaration faite hors la présence d'un avocat ne peut fonder à eux seuls une condamnation.

- Un enregistrement audiovisuel est envisageable lors des auditions en matière correctionnelle.




Le Conseil National des Barreaux (CNB) a voté une résolution relative à cet avant projet les 10 et 11 septembre derniers.

Cette résolution tend à limiter et encadrer les gardes à vue. Le CNB estime le projet insuffisant quant à ces dispositions concernant le droit à l'assistance effective d'un avocat assuré à toutes les personnes placées en garde à vue, conformément aux exigences constitutionnelles et internationales s'imposant à la France. En effet, il considère que la loi n'assure ni l'effectivité de l'assistance de l'avocat pendant la garde à vue, ni la mise en oeuvre des droits nouveaux.

- les officiers de police judiciaire et le procureur de la République pourront refuser à l'avocat la consultation des procès verbaux d'audition de son client déjà réalisés ou l'assistance aux auditions, qui peut également être différée ;

- l'avocat ne pourra faire des observations écrites qu'au terme des auditions de son client ;

- il n'est pas prévu que l'avocat puisse s'entretenir, sans limite de temps, avec son client pendant toute la durée de la garde à vue.

Le CNB estime également que la limitation de la garde à vue aux crimes et aux délits punis d'un emprisonnement sera sans portée pratique sur le nombre disproportionné de gardes à vue en France. Il demande que soit prévue l'intervention d'un magistrat du siège pendant la garde à vue pour se prononcer sur la remise en liberté de la personne retenue. Le CNB souhaite également une modification du régime dérogatoire de garde à vue en matière de criminalité organisée, de terrorisme et de trafic de stupéfiants, pour garantir sérieusement les droits de la défense.





Le 9 septembre dernier, les avocats Christiane Féral-Schuhl et Yvon Martinet, candidats au bâtonnat de Paris, interpellent par lettre ouverte la garde des Sceaux :

Les avocats s'interrogent sur les exceptions prévues par l'avant projet de loi : « pensez-vous juste de limiter l'accès à l'avocat dès l'ouverture de la garde à vue, en fonction du type de crime ou délit en cause ? Une telle règle ne serait pas démocratique. Plus les peines encourues sont graves, plus il faut de garanties du respect de la défense ». Ils s'opposent ainsi « à toute mesure qui viendrait entamer la règle voulant que l'avocat soit présent, aux côtés de son client, dès la première heure et qu'il ait accès immédiatement à l'entier dossier ».

De plus, ils considèrent que la création des auditions libres « constitue un écran de fumée qui viderait de toute substance la règle nouvellement posée par le Conseil constitutionnel », évoquant le caractère « incertain et flou de cette mesure et des garanties qui l'accompagnent ».

En outre, l'objectif de réduction du nombre de gardes à vue visé par la Chancellerie ne pourra être atteint, dans la mesure où la possibilité de recourir à la garde à vue « englobe la quasi-totalité des infractions ». En effet, l'avant-projet dispose que la garde à vue sera « limitée aux personnes soupçonnées d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement ».

Christiane Féral-Schuhl et Yvon Martinet souhaitent la création d'une garde à vue européenne. D'autres pays européens limitent la garde à vue « aux crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à 3 ou 5 ans ».

Néanmoins, ils acquiescent la suppression des fouilles intégrales et la notification du droit au silence dès le début de la garde à vue.

Sources :

Avant projet de loi sur la garde à vue-Ministère de la justice

Réforme de la procédure pénale - Interview du porte parole du ministère de la Justice et des Libertés du 20 mai 2010

CNB, 14 sept. 2010, communiqué