CA Paris 9 avril 2010 n° 08-9558, pôle 5 ch. 2, Sté Google Inc. c/ Sté Flach Film

La limitation de responsabilité dont bénéficient les fournisseurs d'hébergement qui stockent des contenus s'applique à l'activité de plateforme de partage de vidéos en ligne de Google, même s'il valorise son site par la commercialisation de liens publicitaires.

La responsabilité civile des fournisseurs d'hébergement qui exercent une activité de stockage de contenus ne peut être mise en cause que si, au moment où ils ont eu connaissance du caractère illicite de données stockées, ils n'ont pas agi promptement pour les retirer ou en rendre l'accès impossible (Loi du 21-6-2004 art. 6, I-2).

Le titulaire de droits sur une vidéo avait demandé à Google, qui héberge une plateforme de partage de vidéos en ligne, de retirer des liens permettant d'accéder gratuitement au visionnage de la vidéo. Estimant que Google avait tardé à le faire, il l'avait poursuivi en responsabilité.

La Cour d'appel de Paris a jugé que Google bénéficie de la limitation de responsabilité prévue par les dispositions précitées car son rôle répond à l'exigence de neutralité définie par la directive 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. Cette exigence, qui se manifeste tant dans son activité de prestataire de services de stockage de vidéos que dans son service de référencement, n'est pas remise en cause par le fait que Google commercialise des liens publicitaires sur son site.

Néanmoins, la cour l'a condamné à verser des dommages-intérêts au titulaire des droits sur la vidéo pour avoir attendu plus de deux semaines avant de procéder au retrait des liens signalés, ce délai ne pouvant pas être qualifié de prompt au sens de l'article 6, I-2 de la loi du 6 juin 2004. à noter :

Les prestataires d'hébergement des plate-formes de partage de contenus (sites participatifs du web 2.0) bénéficient-ils de la limitation de responsabilité prévue par l'article 6, I-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ? Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a remis en cause la réponse positive jusqu'alors fournie par la majorité des cours d'appel (notamment, CA Paris 6-5-2009 n° 07-14097 : Com. com. électr. 2009 comm. n° 86 note Ch. Caron). Elle a en effet refusé la limitation de responsabilité à une société qui proposait aux internautes d'héberger leurs pages personnelles parce qu'elle proposait aux annonceurs de mettre en place, sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion, ses services excédant ainsi les simples fonctions techniques de stockage (Cass. 1e civ. 14-1-2010 n° 06-18.855 : Bull. civ. I n° 8).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

Pour accéder au site des Editions Francis Lefebvre, cliquez ici

Saisie de l'interprétation des dispositions de l'article 14 de la directive 2000/31 du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (transposée par la loi du 21-6-2004), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a tempéré cette jurisprudence. Se fondant sur le considérant 42 de la directive, elle a en effet jugé que la limitation de responsabilité s'applique lorsque le prestataire n'a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées (CJUE 23-3-2010 aff. 236/08 grande ch. : RJDA 7/10 n° 788). Ce considérant précise que les dérogations en matière de responsabilité ne couvrent que les cas où l'activité du prestataire de services dans le cadre de la société de l'information est limitée au processus technique d'exploitation et de fourniture d'un accès à un réseau de communication et revêt un caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la société de l'information n'a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockés. La CJUE en a conclu que, pour vérifier si la responsabilité du prestataire peut être limitée au titre de l'article 14 de la directive, il convient d'examiner si le rôle exercé par celui-ci est neutre, en ce que son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l'absence de connaissance ou de contrôle des données qu'il stocke. C'est le raisonnement que la cour d'appel reprend à son compte dans l'arrêt rapporté.