L'article 47-IV de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 qui prévoit que, par dérogation aux articles 112-1 et 112-4 du code pénal, l'infraction à l'article L. 442-2 du code de commerce commise avant le 31 décembre 2006 est jugée, et l'exécution des peines prononcées se poursuit, selon la disposition en vigueur lors de sa commission, est-il conforme à la Constitution ?

Selon l'alinéa 3, de l'article 112-1, du code pénal, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. Ce principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce a une valeur constitutionnelle puisqu'il a été décidé qu'étaient contraire à la Constitution les dispositions d'une loi tendant à limiter les effet de cette règle (Cons. const. 20 janv. 1981, JO 22 janv., p. 308 ; D. 1982. Jur. 411, note Dekeuwer ; JCP 1981. II. 19701, note Franck).

Mais si le Conseil constitutionnel peut censurer le législateur, il ne revient en revanche pas aux juridictions répressives de faire de même en contrôlant la constitutionnalité des lois. Aussi ces juridictions n'appliquent-elles cette rétroactivité in mitius « qu'en l'absence de dispositions contraires expresses » (Crim. 3 févr. 1986, Bull. crim. n° 41 ; 29 mars 2000, Bull. crim. n° 147) ; certaines n'écartent toutefois cette rétroactivité en présence d'une disposition légale expresse contraire que lorsque la modification apportée n'a eu d'incidence que sur les modalités de contrôle du respect de la réglementation et non sur l'existence de l'infraction ou la gravité des sanctions (Crim. 19 sept. 2007, Bull. crim. n° 215 ; RTD com. 2008. 435, obs. BoulocDocument InterRevues).

On ne pouvait que regretter l'absence de contrôle de la constitutionnalité d'une disposition de cette nature. Pour contourner cette obstacle, il a pu être fait appel à des textes supranationaux, et notamment le Pacte international de New York du 19 décembre 1966 sur les droits civils et politiques, ratifié par la France, qui prévoit en son article 15-1 que « si, postérieurement à l'infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier » (V., soutenant cette thèse, Huet, Une méconnaissance du droit international, à propos de la rétroactivité in mitius, JCP 1987. I. 3293). Toutefois la chambre criminelle interprète de façon restrictive cette disposition en considérant que ce texte ne concerne que les sanctions et non les incriminations, ce qui ressort d'ailleurs de la lettre même de l'article (Crim. 6 oct. 2004, D. 2005. Pan. 1528, obs. Roujou de BoubéeDocument InterRevues ; Dr. pénal 2005, n° 9, obs. Robert).

À rebours de cette solution, le tribunal correctionnel d'Évry, justement à propos de l'article L. 442-2 du code de commerce, avait cependant estimé que l'article 15-1 devait s'entendre non seulement de l'application de la rétroactivité de la loi pénale plus douce dans l'hypothèse d'une peine plus légère, mais également lorsque la loi supprime une incrimination ou certains éléments d'une incrimination, de telle sorte que les dispositions de l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal devaient s'appliquer sans que la réserve de dérogations expresses de l'article 47-IV de la loi du 2 août 2005 ne puisse être admise (T. corr. Évry, 26 juin 2007, RJDA 2007, n° 1157 ; Lettre distrib. oct. 2007, p. 1, obs. Vertut ; RDLC 2007, n° 4, p. 88, obs. de la Laurencie et Lemonnier). L'absence d'orthodoxie de cette décision à la jurisprudence dominante faisait craindre qu'elle ne prospère pas ; d'où l'intérêt de ce renvoi pour QPC au Conseil constitutionnel opéré par les hauts magistrats.

Sources :

Actualité Dalloz, "la revente à perte et la rétroactivité in mitius valent bien une QPC" par E. Chevrier, publié le 9 octobre 2010

Cass., QPC, 22 sept. 2010, F-D, n° 10-90.094