Civ. 1re, 30 sept. 2010, FS-P+B+I, n° 09-11.552

Une société, qui s'est engagée à fournir un matériel nécessaire à l'élevage, ayant mis en oeuvre des équipements inadaptés à la destination convenue avec le client, a manqué à son obligation de délivrance.

Une société livre une installation destinée à l'élevage de cailles à un couple d'agriculteurs, dont une partie du matériel, des assiettes-mangeoires, a été fournie par une seconde société. Les époux, soutenant que le matériel d'alimentation était inadapté à l'élevage des cailles et que le matériel d'abreuvement était défectueux, ont fait assigner la société venderesse (la première) en résolution judiciaire de la vente et réparation de leurs divers préjudices. La Cour de cassation considère logiquement, à la suite des juges du fond, que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance conforme, le matériel fourni destiné à l'élevage étant « inadapté à la destination convenue avec le client ». Il est vrai que l'on pouvait hésiter entre garantie des vices cachés (en raison de la défectuosité du matériel d'abreuvement) et défaut de conformité (en raison de l'inadaptation de l'installation). Il semble que, pour privilégier la seconde à la première, c'est la théorie de l'accessoire qui est appliquée. Le défaut de conformité concerne ici l'installation dans son ensemble ; le vice caché, un élément de celle-ci seulement, en d'autres termes une partie d'un tout. L'idée, somme toute convaincante, est que l'action attachée à l'élément principal qui doit être privilégiée par rapport à celle qui concerne l'élément accessoire ou inclus. Sans surprise, la société venderesse (A) a appelé en garantie son fournisseur (B) au titre du matériel d'abreuvement (pour une illustration récente, V. Civ. 3e, 7 oct. 2009, Bull. civ. III, n° 19 ; D. 2009, AJ 2548, obs. Lienhard ). La Cour de cassation, contrairement cette fois à la cour d'appel, l'estime recevable. Il faut, en effet savoir qu'il y a eu, parallèlement, un autre litige entre A et B en vertu duquel A a été condamné à payer à B le matériel fourni. Les juges d'appel ont estimé l'appel en garantie irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement de condamnation. Pourtant, pour la Cour de cassation, ce jugement n'a pas pour effet de rendre irrecevable l'appel en garantie dans la mesure où les prétentions des parties, exprimées lors de chaque procès (celui relatif à l'action en paiement et celui relatif à l'action en résolution de la vente, et, par ricochet, l'action en garantie) ne reposent pas sur le même objet. Cette différence d'objet permet donc de neutraliser l'autorité de la chose jugée, précisément, ce qu'il est convenu d'appeler l'« effet négatif de chose jugée » (C. Bouty, Rép. pr. civ. Dalloz, v° Chose jugée, n° 498), qui permet normalement de s'opposer au recommencement des procès entre les mêmes parties. La solution dégagée est parfaitement conforme à la jurisprudence traditionnelle qui subordonne, en application de l'article 1351 du code civil, l'autorité de chose jugée attachée à une décision de justice à la réunion des trois conditions cumulatives d'objet, de cause et de parties (V. par ex. Civ. 1re, 16 juill. 1971, Bull. civ. I, n° 239). X. Delpech Dalloz actualité © Editions Dalloz 2010

Sources :

Civ. 1re, 30 sept. 2010, FS-P+B+I, n° 09-11.552