Cons. const. 29 sept. 2010, n° 2010-40 QPC et Cons. const. 29 sept. 2010, n° 2010-41 QPC

L'obligation faite au juge de prononcer la peine d'annulation du permis de conduire en répression de faits de conduite en état alcoolique en état de récidive et celle de publication du jugement pour des faits de publicité mensongère ne méconnaît pas le principe d'individualisation des peines.

Par deux décisions du 29 septembre 2010, le Conseil constitutionnel a estimé conformes au principe d'individualisation des peines tel que garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDH) de 1789, les dispositions des articles L. 234-13 du code de la route et L. 121-4 du code de la consommation, qui, respectivement, obligent le juge à annuler le permis de conduire de la personne condamnée pour certains délits routiers, en particulier pour conduite en état alcoolique, commise en état de récidive (décis. n° 2010-40 QPC), et à prononcer la peine de publication de sa décision de condamnation pour des délits de publicité mensongère (décis. n° 2010-41 QPC).

Les Sages de la rue Montpensier étaient ici invités par la Cour de cassation à préciser leur jurisprudence sur la prohibition des peines automatiques (V. Cah. cons. const. n° 30). On se souvient que, tout récemment, ceux-ci avaient jugé contraire à l'article 8 précité l'article L. 7 du code électoral qui prévoyait la peine automatique d'interdiction d'inscription sur les listes électorales pour une durée de cinq ans des personnes définitivement condamnées pour l'une des infractions de corruption prévues par les articles 432-10 à 432-16 et 433-1 à 433-4 du code pénal ou pour le délit de recel de l'une de ces infractions, retenant que cette peine privative de l'exercice du droit de suffrage était « attachée de plein droit à diverses condamnations pénales sans que le juge qui décide de ces mesures ait à la prononcer expressément » (Cons. const., 11 juin 2010, décis. n° 2010-6/7 QPC, consid. 5 ; Dalloz actualité, 16 juin 2010Document Actualité ; AJDA 2010. 1172, obs. Brondel Document InterRevues ; ibid. 1831, note Maligner Document InterRevues ; AJ pénal 2010. 392, obs. Perrier Document InterRevues ; D. 2010. AJ 1560, obs. Lavric Document InterRevues).

L'annulation du permis de conduire en récidive de conduite en état alcoolique résulte de la loi n° 78-732 du 12 juillet 1978 ; elle est aujourd'hui prévue par l'article L. 234-13 du code de la route qui dispose que « toute condamnation pour l'une des infractions prévues aux articles L. 234-1 conduite d'un véhicule sous l'empi... et L. 234-8 refus de se soumettre aux vérifica..., commise en état de récidive au sens de l'article 132-10 du code pénal, donne lieu de plein droit à l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ». Le juge a l'obligation de se prononcer sur cette annulation, qui constitue non pas une peine accessoire mais une peine complémentaire obligatoire (V. Cah. Cons. const., préc.). Il doit, en outre, en fixer la durée (comprise entre zéro et trois ans).

Le délit de publicité mensongère, pour sa part, est issu de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 de finances rectificatives pour 1963 et est actuellement prévu par les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation. L'article L. 121-4 de ce code, en particulier, prévoit qu'« en cas de condamnation, le tribunal ordonne la publication du jugement » et « peut, de plus, ordonner la diffusion, aux frais du condamné, d'une ou de plusieurs annonces rectificatives ». Le texte précise que « le jugement fixe les termes de ces annonces et les modalités de leur diffusion et impartit au condamné un délai pour y faire procéder ». La peine complémentaire de publication est prévue dans son principe par l'article 131-35 du code pénal, et l'article L. 121-4 du code de la consommation constitue une exception en ce qu'il prévoit son caractère obligatoire.

Dans les deux décisions du 29 septembre 2010, le Conseil estime que les critères d'inconstitutionnalité dégagés à propos de l'article L. 7 du code électoral ne sont pas réunis et que plusieurs éléments permettent, au contraire, de conclure à la conformité des deux dispositions à l'article 8 de Déclaration de 1789. Dans la première, les Sages rappellent que le principe d'individualisation des peines « ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions » (V. déjà, Cons. const. 9 août 2010, décis. n° 2007-554-DC, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, consid. 13 et 15, AJDA 2008. 594, note Jennequin Document InterRevues ; D. 2008. Pan. 2025, obs. Bernaud et Gay Document InterRevues ; RSC 2008. 133, obs. de Lamy Document InterRevues). Une précision qui n'est pas apportée à propos de l'article du code de la consommation, ce qui montre que le Conseil a pris en compte la circonstance que les faits sont commis en état de récidive pour contrôler le respect de ce principe (V. Cah. Cons. const. préc.). Dans les deux décisions, le Conseil met en exergue la proximité matérielle entre l'infraction et la peine complémentaire, ainsi que la finalité poursuivie par cette dernière (V. déjà, à propos de la perte automatique de points du permis de conduire, Cons. const. 16 juin 1999, décis. n° 99-411-DC, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, consid. 21 et 22, AJDA 1999. 694, note Schoettl Document InterRevues ; D. 1999. Jur. 589, note Mayaud Document InterRevues ; ibid. 2000. Somm. 113, obs. Roujou de Boubée Document InterRevues ; ibid. Somm. 197, obs. Sciortino-Bayart Document InterRevues). Concernant les dispositions de l'article L. 234-13 du code de la route, il estime que si le juge « est tenu de prononcer l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis de conduire, il peut, outre la mise en œuvre des dispositions du code pénal relatives aux dispense et relevé des peines, fixer la durée de l'interdiction dans la limite du maximum de trois ans » et « que, dans ces conditions, le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine ». Sur les dispositions du code de la consommation, il relève qu'il appartient au juge, outre la mise en œuvre des dispositions relatives à la dispense de peine, de fixer, en application de l'article 131-35 du code pénal, les modalités de la publication du jugement de condamnation et qu'il peut ainsi en faire varier l'importance et la durée ; dans ces conditions, celui-ci n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine.

S. Lavric Dalloz actualité © Editions Dalloz 2010

Sources :

Cons. const. 29 sept. 2010, n° 2010-40 QPC

Cons. const. 29 sept. 2010 Communiqué de presse

Cons. const. 29 sept. 2010, n° 2010-41 QPC

Cons. const. 29 sept. 2010, n° 2010-41 Communiqué de presse