Le juge des référés du Conseil d'État, statuant selon une procédure d'urgence, vient de confirmer en appel une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles refusant la suspension de l'arrêté par lequel le préfet des Yvelines a réquisitionné une partie des salariés grévistes du site pétrolier de Gargenville (Yvelines).

Le 22 octobre dernier, le préfet des Yvelines a pris un arrêté réquisitionnant pour six jours une partie du personnel gréviste du site pétrolier de Gargenville, appartenant à la société Total, qui héberge des activités de réception, stockage, transformation et réexpédition de produits pétroliers. Cet arrêté, fondé sur les pouvoirs généraux de réquisition conférés aux préfets par le 4° de l'article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales, était motivé principalement par la nécessité d'assurer, en dépit des difficultés causées par les mouvements de grève au sein des raffineries et dépôts pétroliers du pays, l'approvisionnement de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle en carburant pour avions, ainsi que des livraisons minimales dans les stations-service du département des Yvelines.

Dans son ordonnance, le juge des référés du Conseil d'État indique que le préfet peut légalement, sur le fondement de l'article précité, prendre une mesure de réquisition à l'encontre des salariés en grève d'une entreprise privée dont l'activité présente une importance particulière pour le maintien de l'activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics, lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l'ordre public. Il ajoute, rappelant en cela une jurisprudence constante (CE, 9 déc. 2003, n° 262186, Aguillon et a., : JCP A 2004, 1096 et 1054) que les mesures prises par le préfet dans l'exercice des pouvoirs de réquisition qu'il tient de la loi doivent être imposées par l'urgence et proportionnées aux nécessités de l'ordre public (le ravitaillement de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et les véhicules de services publics étaient menacé).

Au regard de ces risques d'atteinte à l'ordre public, le juge des référés contrôle le caractère nécessaire et proportionné de la mesure de réquisition. Il admet tout d'abord, en l'absence d'autres solutions immédiatement disponibles et aussi efficaces, le choix de réquisitionner le site de Gargenville en raison, tout à la fois, de sa situation, de ses stocks de produits pétroliers et de ses capacités techniques de traitement du kérosène. Il constate ensuite que la mesure contestée se limite à la réquisition, au sein de l'ensemble de l'effectif salarié de l'établissement, des seules équipes de quart nécessaires à la réalisation des opérations de traitement de kérosène et de livraison de carburants correspondant aux nécessités de l'ordre public. Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d'État conclut à l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice du droit de grève. Il rejette, par suite, l'appel dont il était saisi.

À noter en revanche, que le juge des référés du tribunal administratif de Melun, dans une ordonnance du 22 octobre 2010, a considéré que « la réquisition quasi-totale du personnel de la raffinerie Total de Grandpuits en vue, non seulement d'alimenter en carburants les véhicules prioritaires, mais également de fournir en produits pétroliers de toute nature l'ensemble des clients de la raffinerie, dans le but de permettre aux entreprises du département de poursuivre leurs activités ... » avait pour effet d'instaurer un service normal au sein de l'établissement et non le service minimum que requièrent les seules nécessités de l'ordre et la sécurité publics (TA Melun, 22 oct. 2010, n° 1007329/6).

Sources :

CE, 27 oct. 2010, n° 343966, Fédération nationale des industries chimiques CGT et autres

TA Melun, 22 oct. 2010, n° 1007329/6, Confédération générale du travail et autres

TA Melun, ord., 25 oct. 2010, Fédération nationale des industries chimiques CGT et autres, req. n° 1007348

Commentaire "Blocage des raffineries : le juge administratif pose les limites des réquisitions" édition du 29 octobre 2010 sur dalloz.fr

Article "Droit de réquisition : le Préfet ne peut rétablir qu'un service minimum !" publié le 24 octobre 2010 sur avocats.fr