Le tribunal administratif de Caen vient de confirmer l'obligation de la commune de décrocher le portrait de Philippe Pétain installé dans la salle du conseil municipal.

En dépit de la demande du préfet du Calvados du 21 janvier 2010, le maire de la commune de Gonneville-sur-Mer avait refusé de décrocher le portrait de Philippe Pétain placé dans la salle des délibérés du conseil municipal de la commune. Saisi par le préfet d'une requête à fin d'annulation de cette décision, le tribunal administratif a fait droit à la demande du préfet par un jugement rendu le 26 octobre 2010.

Le tribunal retient deux motifs d'annulation : il juge que le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes exprimant des opinions politiques, religieuses ou philosophiques. Le tribunal n'a pas retenu l'argumentation de la commune selon laquelle le portrait de Philippe Pétain qui n'était pas installé seul, trouvait sa place dans une galerie de portraits historiques des chefs de l'Etat depuis 1871, en raison de la portée symbolique particulière que revêt le portrait de Philippe Pétain.

Le tribunal estime également que la décision de refus de décrocher le portrait qui est signée par la maire émane en réalité du conseil municipal alors que celui-ci n'a pas été réuni dans les formes et selon les modalités prévues par les articles L. 2121-9 et suivants du Code général des collectivités territoriales.

Conformément à la demande du préfet, le tribunal enjoint au maire de décrocher le portrait de Philippe Pétain dans un délai de 24 heures à compter de la notification de son jugement.

Si la décision en question est annulé sur le motif des conditions de réunion du conseil municipal de la commune en application de l’article L. 2221-9 et s. du Code général des collectivités territoriales et en application au fond du principe de neutralité des services publics, il est intéressant de relever que la motivation du déféré préfectoral se réfère à l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental pour dénier la qualité d’ancien chef de l’Etat à Philippe Pétain.

Ce jugement vient rappeler que la période du gouvernement de Vichy est un objet bien difficile à appréhender pour la juridiction administrative, car s’il y a bien eu suspension d’une « forme républicaine de gouvernement », on ne peut plus considérer qu’il y a eu suspension de l’action de l’Etat qui peut faire l’objet d’actions en responsabilité recevables de faits de déportation. Il y a donc bien eu nécessairement continuité de l’Etat, qui n’était donc pas représenté par des gouvernants légitimes au sens du juge administratif… Au-delà de circonstances qui peuvent paraître de premier abord anecdotiques, cette affaire est passionnante en termes de symboles quant la neutralité du droit et de ses agents au sein de la société. A suivre et surtout, à méditer.

Sources :

TA Caen, 26/10/2010, Préfet du Calvados, n° 1000282.

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