Cass. 3e civ. 15 septembre 2010 n° 09-68.521 (n° 1052 FS-PB), Carlier c/ Mondin

L'interruption temporaire d'activité d'un fonds de commerce et le défaut d'immatriculation du locataire-gérant à la date du congé ne constituent pas des motifs graves et légitimes de refus de renouvellement d'un bail sans indemnité d'éviction.

Le propriétaire d'un local situé à Lourdes et loué à usage de vente d'articles souvenirs et religieux avait délivré au locataire, héritier du propriétaire du fonds commerce, un congé portant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction. Le bailleur fondait son refus sur deux motifs graves et légitimes.

1° Il soutenait qu'entre le décès du propriétaire du fonds et la mise en location-gérance de celui-ci par le locataire héritier, le fonds de commerce avait disparu.

La Cour de cassation a écarté cet argument. La cessation temporaire d'activité n'impliquait pas en elle même la disparition de la clientèle. En l'espèce, la clientèle était actuelle et certaine : l'interruption d'exploitation après le décès de l'exploitant n'avait ni affecté l'achalandage attaché au fonds car l'activité exercée concernait presque toute la clientèle de passage constituée de pèlerins, ni la clientèle du fonds qui s'était naturellement reconstituée dès la réouverture du fonds au public.

à noter

Pour bénéficier du statut des baux commerciaux, le locataire doit exploiter un fonds dans les lieux loués (C. com. art. L 145-1, I). La clientèle, qui doit être réelle et certaine, est l'élément indispensable sans lequel il n'existe pas de fonds (Cass. 3e civ. 18-5-1978 : Bull. civ. III n° 205 ; Cass. 3e civ. 19-9-2006 n° 969 : RJDA 12/06 n° 1201). Une cessation temporaire d'activité emporte-t-elle nécessairement disparition de la clientèle qui y est attachée ? Non, répond la Cour de cassation. En particulier lorsque, comme en l'espèce, le commerce est exploité dans un site touristique très fréquenté, de sorte que la clientèle ne disparaît jamais véritablement. De même, il a été jugé que l'existence de la clientèle peut être déduite de la situation du local à un point de passage obligé pour de très nombreux touristes (Cass. com. 1-2-1984 n° 82-13.151 : Bull. civ. IV n° 52).

2° Le bailleur soutenait en outre qu'à défaut d'immatriculation du locataire-gérant au registre du commerce et des sociétés à la date de délivrance du congé au locataire, ce dernier ne bénéficiait pas du droit au renouvellement du bail.

Argument lui aussi écarté au motif que le défaut d'immatriculation du locataire-gérant n'est pas de nature à priver le locataire de son droit au renouvellement du bail, peu important qu'à la date du congé, le locataire-gérant ait ou non effectué les diligences lui incombant en matière d'immatriculation.

à noter

Le propriétaire d'un fonds de commerce donné en location-gérance n'a pas besoin d'être immatriculé pour bénéficier du statut des baux commerciaux. Pour qu'il bénéficie de ce droit, il n'est pas davantage requis que le locataire-gérant soit inscrit (Cass. 3e civ. 30-5-1996 n° 94-13.765 : RJDA 8-9/96 n° 1019). Encore faut-il que la mise en location-gérance soit intervenue avant date à laquelle l'immatriculation doit être effective. A défaut, le propriétaire du fonds doit être immatriculé (Cass. 3e civ. 4-11-1998 n° 97-12.247 : RJDA 12/98 n° 1331).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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