Lorsqu'il résulte des éléments du dossier que les agents des douanes agissaient dans le cadre d'une surveillance et non d'un contrôle inopiné (art. 60 c. douanes), le procureur de la République doit être préalablement informé (art. 67 bis c. douanes). À défaut, la procédure doit être annulée.

Les fonctionnaires des douanes sont investis d'un large pouvoir de contrôle. Lorsqu'un acte d'investigation devient nécessaire (contrôle d'une personne, recherche de document, visite domiciliaire), le cadre ordinaire de l'action des agents des douanes est le droit de visite organisée par l'article 60 du code des douanes. Ce texte permet aux agents « pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, de procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ». La généralité des termes est telle, on le sait, que les agents n'ont pas à établir qu'ils sont animés par le moindre soupçon de fraude (Rép. pén. Dalloz, v° Douanes).

Dans certaines hypothèses (flagrant délit), le droit de visite emporte un droit d'interpellation et de retenue des personnes mises en cause. Le procureur de la République doit alors être immédiatement informé (art. 323, 3°, c. douanes), mais cette information demeure postérieure à l'action des fonctionnaires. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 a introduit de nouvelles procédures douanières, figurant dans les dispositions du très long article 67 bis du code des douanes. Celui-ci prévoit notamment, dans son alinéa 1er, que les agents des douanes peuvent, lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à deux ans, procéder « à la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'être les auteurs d'un délit douanier ou d'y avoir participé comme complices ou intéressés à la fraude ». Le procureur de la République doit alors être préalablement informé, et peut s'opposer au dispositif.

Dans l'affaire venue devant la cour d'appel de Nancy le 17 juin 2010, un homme était poursuivi pour diverses infractions à la législation sur les stupéfiants et les armes, en récidive. Les faits peuvent être résumés comme suit : sept agents des douanes « planquaient » dans une zone industrielle, devant un bâtiment dans lequel le prévenu avait un coffre contenant des stupéfiants, des armes et de l'argent liquide. Les fonctionnaires attendirent qu'il entre puis ressorte du bâtiment, avant de procéder à son interpellation (après une course poursuite). Ils le placèrent ensuite en retenue douanière et avertir le procureur.

Devant la cour d'appel, le prévenu soulevait la nullité de la procédure. Selon lui, les agents des douanes auraient en effet agi dans le cadre d'une surveillance douanière, au sens de l'article 67 bis du code des douanes, et l'absence d'information préalable du procureur de la République emportait nullité de tous les actes effectués. Il relève notamment, à l'appui de sa requête, que le fait d'avoir été interpellé par sept agents stationnés devant le lieu où il stockait ses marchandises démontrait qu'il était attendu. L'administration des douanes soutient au contraire avoir agi dans le cadre d'une simple mission de surveillance de la voie publique, entrant dans la stricte mise en oeuvre de l'article 60 du code des douanes. Le contrôle du prévenu aurait ainsi été décidé de façon inopinée. Elle ajoute que ce contrôle ne peut être assimilé à la procédure de l'article 67 bis qui « suppose des techniques spéciales d'enquête et ont pour objectif principal le démantèlement de grands trafics ». Bien que mal formulé, l'argument de l'administration des douanes ne manque pas d'une certaine pertinence. Nul doute, en effet, que dans l'esprit du législateur, la surveillance douanière se soit inscrite dans la lutte contre la criminalité organisée. Il est néanmoins vrai, comme le rappelait le prévenu, que le texte ne mentionne que les peines supérieures ou égales à deux ans d'emprisonnement, et que là où la loi ne distingue pas, on ne doit pas distinguer. Il faut encore remarquer que l'intitulé de la section contenant l'article 67 bis s'intitule bien « Livraisons surveillées », mais que seules les II et suivants s'attachent à l'infiltration des agents dans les réseaux criminels.

La cour d'appel de Nancy a choisi de confirmer la décision des premiers juges, annulant l'ensemble de la procédure. Elle admet le raisonnement du prévenu, relaxé. La solution retenue, si elle venait à être admise par la Cour de cassation - ce que dira l'issue du pourvoi formé - serait susceptible d'avoir d'importantes répercussions sur les pratiques douanières, puisque les agents seraient alors tenus d'avertir préalablement les services du procureur chaque fois qu'ils procéderaient à une opération de contrôle visant une personne déterminée. À moins que les hauts magistrats ne décident que l'absence d'information du procureur ne porte pas atteinte aux intérêts du prévenu pour refuser de prononcer la nullité (en ce sens, Crim. 1er avr. 1998, Bull. crim. n° 124 ; v. aussi J. Buisson, RSC 2006. 399 , note sous Crim. 1er sept. 2005, Bull. crim. n° 211).

M. Léna

Dalloz actualité © Editions Dalloz 2010

Sources :

Nancy, 17 juin 2010, n° 10/600