Les deux solutions commentées permettent de revenir sur deux questions distinctes concernant le contrat de travail international : la confrontation de la loi d'autonomie aux dispositions impératives de la loi nationale dans le cadre de la convention de Rome du 19 juin 1980 et la question de la clause attributive de compétence de juridiction.

Le premier arrêt concerne des salariés d'une société de droit suisse licenciés par cette dernière et qui réclament l'application des dispositions impératives du droit français en matière de durée du travail, de rémunération de ces heures de travail et de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les parties avaient convenu que la loi applicable serait la loi suisse. En vertu de la convention de Rome, les parties à un contrat de travail international peuvent en effet choisir à quelle législation nationale ce dernier sera soumis (art. 3, §1 et 6, §1), sous réserve que le salarié ne soit pas ainsi privé sur le point litigieux « de la protection offerte par les dispositions impératives de la loi qui serait applicable à défaut de choix » (art. 6, §1) par appréciation globale du caractère plus favorable des dispositions de cette loi ayant le même objet ou se rapportant à la même cause. Il s'agira, selon l'article 3, §3, de la convention, des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par un contrat en vertu de la loi applicable à défaut de choix, c'est-à-dire celles qui sont donc d'ordre public (J. Déprez, Rép. internat. Dalloz, v° Contrat de travail, nos 10 s. ; pour une illustration récente, V. Soc. 12 juill. 2010, Dalloz actualité, 2 sept. 2010, obs. B. Ines ).

Il n'était pas contesté qu'à défaut de choix, en raison du fait que le lieu habituel d'accomplissement du contrat était la France, la loi applicable devait être la loi française sauf à démontrer que la relation de travail présentait des liens plus étroits avec un autre État. L'employeur entendait donc prouver que le contrat présentait des liens plus étroits avec la Suisse. Pour ce faire et conformément aux exigences de la jurisprudence, il avançait des indices de nature à révéler la commune intention des parties et, notamment, que la société est de droit suisse (indice de la nationalité des parties, Paris, 4 juill. 1975), que les salaires étaient payés en francs suisses (indice de la monnaie de paiement, Paris, 12 juill. 1982), que les régimes de retraite et prévoyance étaient les mêmes que ceux des agents suisses (indice de la sécurité sociale, Paris, 4 juill. 1975). Mais la Cour indique que ces éléments caractéristiques de la relation de travail ne sont pas l'expression de « liens plus étroits » mais au contraire les conséquences de l'application d'une loi choisie par les parties. Le juge du fond qui a fait ressortir le caractère plus favorable des dispositions impératives de la loi française a pu valablement l'appliquer. Dès lors, le statut collectif qui découle des normes impératives trouvera également à s'appliquer. Enfin l'employeur devra rembourser les indemnités chômage aux organismes concernés par application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

La seconde décision concernait une marocaine qui avait signé, à Rabat avec le Royaume du Maroc afin qu'elle exerce les fonctions de secrétaire dans son ambassade à Paris, un contrat de travail se référant exclusivement au droit marocain et qui prévoyait que tous les litiges nés de l'exécution du contrat seraient du ressort exclusif des juridictions marocaines. Suite à son licenciement, la cour d'appel de Paris finalement saisie se déclare incompétente, principalement en raison de la licéité de la clause attributive de compétence contenue dans le contrat. La Cour affirme que par application des dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail applicables dans l'ordre international il convient d'écarter la clause attributive de compétence. Rappelons qu'en vertu des articles L. 1221-5 et R. 1412- 4, la clause attributive de juridiction est respectivement « nulle et de nul effet » et « réputée non écrites » (D. 1993. Chron. 59, obs. J. Kullmann). Toutefois, en matière de contrat international, elles peuvent être validées dans certaines hypothèses, principalement lorsque le salarié exécute sa prestation de travail uniquement à l'étranger (pour un exposé moins schématique, GADT, 4e éd., Dalloz, no 4, 25, p. 129 s.). La Cour a pu toutefois considérer comme valide une telle clause dans le cas d'une hôtesse de l'air domiciliée en France engagée par une compagnie américaine mais affectée à la base de Roissy (Soc. 21 janv. 2004, D. 2004. Somm. 2187, obs. Escande-Varniol ). Toutefois, il conviendra, avant de relever une contradiction absolue entre cette décision et celle commentée, de noter la spécificité de la relation de travail des personnels navigants dont, par définition, la relation de travail ne s'exécute pas uniquement au sein d'un établissement implanté sur le sol national.

En l'espèce, la clause étant écartée, le conseil de prud'homme est compétent en raison de l'extension à la compétence internationale des critères de compétence territoriale interne permettant aux étrangers de le saisir dès lors que le litige présente un contact sérieux avec la France (GADT, 4e éd., Dalloz, no 24 et p. 130). La juridiction devra appliquer la loi du contrat international, à savoir le droit marocain, étant entendu que la loi applicable est sans incidence sur la détermination de la juridiction compétente. Cette loi ne pourra toutefois pas faire obstacle aux lois de police interne.

Une question supplémentaire aurait pu être soulevée : la requérante étant salariée de l'ambassade, l'immunité de juridiction des États étrangers pouvait-elle trouver à s'appliquer ? Il semble que non. En effet, il faut pour cela que l'employeur soit un État étranger, ou son émanation, intervenant dans le cadre d'un acte de puissance publique ou dans l'intérêt d'un service public, ce qui peut être le cas d'une ambassade, mais il faut également que le salarié soit chargé d'une responsabilité particulière dans l'exercice du service public. À défaut, un licenciement est un simple acte de gestion privé de l'immunité de juridiction (dans ce sens, l'hypothèse d'un adjoint au service de presse, Soc. 2 avr. 1996, D. 1996. IR 117). Si marginalement un traducteur au service des passeports a pu se voir opposer l'immunité de son employeur (Paris, 7 oct. 1988, D. 1989. Somm. 204, obs. Jeammaud), il en a été différemment pour une secrétaire médicale (Soc. 10 nov. 1998, D. 1999. Jur. 157, note M. Menjucq ).

J. Siro

Dalloz actualité © Editions Dalloz 2010

Sources :

Soc. 29 sept. 2010, FS-P+B, n° 09-68.852

Soc. 29 sept. 2010, FS-P+B, n° 09-40.688

Commentaire de jurisprudences "Une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives du Code du travail" paru le 7 octobre 2010 sur net-iris.fr