La clause, qui exclut du statut de réfugié la personne s'étant rendue coupable de crimes graves ou d'actes de terrorisme, n'est pas d'application automatique aux anciens proches d'organisations terroristes. Un examen individuel des faits reprochés doit être effectué.

Saisie de cinq questions préjudicielles par la Cour fédérale administrative allemande, relatives à l'application des dispositions du droit de l'Union et, plus généralement, du droit international des réfugiés, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé les modalités d'application de la clause d'exclusion du statut de réfugié qui frappe les personnes soupçonnées d'avoir commis des crimes graves ou des actes de terrorisme (art. 12 de la directive 2004/83/CE). MM. B... et D...., ressortissants turcs, ont appartenu respectivement au Dev Sol et au PKK, organisations citées par la position commune 2001/931 du Conseil comme faisant partie des « personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme ». Dès lors, M. B... s'est vu refuser le statut de réfugié et M. D... a fait l'objet d'une mesure de révocation de ce statut par la cour allemande du droit d'asile. Les juridictions administratives ayant annulé ces décisions, la Cour administrative fédérale fût saisie des deux affaires et forma cinq demandes préjudicielles d'interprétation de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative à la reconnaissance du statut de réfugié. Une exclusion non-automatique

Interrogée sur le point de savoir si l'appartenance d'une personne à la liste des organisations annexée à la résolution 2001/931 précitée entraînait automatiquement la mise en oeuvre de la clause d'exclusion prévue par l'article 12 de la directive comme par la convention de Genève, la Cour considère qu'il « importe de vérifier au préalable si les actes commis par une telle organisation peuvent relever des catégories de crimes graves et d'agissements visés » par ces dispositions. En effet, cette clause d'exclusion « ne permet d'exclure une personne du statut de réfugié que lorsqu'il y a "des raisons sérieuses" de penser qu'"elle a commis" un crime grave de droit commun en dehors de son pays d'accueil avant d'être admise comme réfugié ou qu'"elle s'est rendue coupable" d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ». Dès lors, « la seule circonstance que la personne concernée a appartenu à une telle organisation ne saurait avoir comme conséquence automatique qu'elle doive être exclue du statut de réfugié en vertu desdites dispositions ».

La Cour en conclut que « l'exclusion du statut de réfugié … est subordonnée à un examen individuel de faits précis permettant d'apprécier s'il y a des raisons sérieuses de penser que, dans le cadre de ses activités au sein de cette organisation, cette personne a commis un crime grave de droit commun ou s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies, ou qu'elle a instigué un tel crime ou de tels agissements, ou y a participé de quelque autre manière ».

La Cour était ensuite interrogée sur l'existence d'une condition tenant à ce que le demandeur d'asile représente toujours, au moment de sa demande, un danger pour l'ordre public. Elle écarte cette interprétation en jugeant que l'article 12 vise « à sanctionner des actes commis dans le passé » et donc que l'exclusion du statut de réfugié « n'est pas subordonnée au fait que la personne concernée représente un danger actuel pour l'État membre d'accueil ».

La CJUE apporte ensuite d'autres précisions relatives à l'examen de la gravité des faits reprochés au demandeur d'asile, en jugeant que la juridiction qui aboutit à la conclusion que la clause d'exclusion de l'article 12 trouve à s'appliquer ne saurait être obligée de procéder à une analyse « impliquant de nouveau une appréciation du niveau de gravité des actes commis » et donc que l'exclusion du statut de réfugié « n'est pas subordonnée à un examen de proportionnalité au regard du cas d'espèce ».

Enfin, interrogée sur la compatibilité d'une législation interne accordant le statut de réfugié à une personne qui en est exclue par la directive et la convention de Genève en raison de sa participation à des crimes graves ou actes de terrorisme, la Cour considère « que les États membres peuvent reconnaître un droit d'asile au titre de leur droit national à une personne exclue du statut de réfugié en vertu de la clause d'exclusion précitée pour autant que cet autre type de protection ne comporte pas de risque de confusion avec le statut de réfugié au sens de » la directive.

R. Grand

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Sources :

CJUE 9 nov. 2010, C-57/09