Par un arrêt du 19 novembre 2010, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement du TGI de Paris qui avait condamné Google pour atteinte à la marque notoire « Belle literie », reprise dans l’outil de suggestion de mots clés de son programme Adwords. Depuis ce jugement, est intervenu l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 23 mars 2010 qui a conclu que le prestataire d’un service de référencement qui stocke un signe identique à une marque et organise l’affichage d’annonces à partir de celui-ci ne fait pas un usage de ce signe.

Dans cette affaire, le Syndicat français de la literie (SFL) reprochait à Google de permettre, par une requête simple ou large, le stockage du mot clé « Belle literie », sa suggestion à l’annonceur dans le cadre d’une liste de signes les plus couramment saisis par les internautes ainsi que l’affichage d’annonces de clients à partir de ce mot clé. Dans la logique de la CJUE, la cour d’appel a estimé que ces faits ne caractérisaient pas un usage de la marque au sens des articles L. 713-3 et 5 du code de la propriété intellectuelle. Le SFL avait invoqué le manquement de Google à son obligation de vigilance et de prudence, partant du principe qu’il ne peut bénéficier du régime de responsabilité des hébergeurs. La cour n’a pas davantage approuvé son raisonnement. Sur ce point encore, elle s’est appuyée sur l’arrêt communautaire qui avait considéré ce régime dérogatoire applicable dès lors que l’activité revêtait un caractère purement technique, automatique et passif, et donc une absence de contrôle sur les contenus stockés ou diffusés. Partant de là, la cour d’appel a cherché à déterminer si Google avait pris une part active dans le fonctionnement du service Adwords. Elle constate cependant que la SFL n’a pas procédé à une analyse circonstanciée du rôle joué par Google dans l’apparition des liens commerciaux. Le syndicat a préféré mettre en avant le profit que le moteur de recherche tire de la valeur attractive de données, en tant que régie publicitaire. Mais la cour lui a rétorqué que le contenu publicitaire de l’information hébergée n’exclut pas le bénéfice de ce régime et que le classement des annonces selon la rémunération que l’annonceur est prêt à verser à Google n’est pas un critère suffisant pour le priver du statut d’hébergeur.

Sur l’usage de la marque, le SFL ne fournit pas davantage la preuve de l’implication directe de Google dans la rédaction et le ciblage des annonces, en dehors de conseils généraux. La cour constate au contraire que le choix des mots clés relève du seul fait de l’annonceur. Et conclut à l’application du régime de responsabilité allégée prévu par l’article 6-1 de la LCEN. Celui-ci peut toutefois être mis en œuvre si un contenu illicite n’a pas été retiré promptement après avoir été notifié. Dans cette affaire, le SFL avait demandé à Google le retrait général des liens commerciaux qui apparaissaient à la requête « Belle literie ». Mais la cour a mis en cause l’efficacité de la notification dont les termes généraux ne démontraient pas le caractère manifestement illicite des annonces.

Sources :

Cour d’appel de Paris Pôle 5 – chambre 2 Arrêt du 19 novembre 2010 Google France / Syndicat français de la literie

Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 12 décembre 2007 Syndicat Français de la Literie / Google France

Cour de justice de l’Union Européenne Grande chambre Arrêt du 23 mars 2010 Google France / LVM, Viaticum, Luteciel, CNRRH et autres