Les juridictions ne sont pas liées par le seul contenu des dispositions contractuelles liant les parties ni par leurs engagements personnels pour estimer des conditions d'application de l'article L. 7321-3 du Code du travail.

Un contrat de gérance, visant l'exploitation d'un fond de commerce constitué d'une station service et d'un magasin de ventes, est conclu en 1996 entre la société Total et une SARL, la société R. composée par deux gérants, Mr et Mme R. Le contrat de gérance est résilié par la société Total, et les gérants saisissent la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de la relation entre eux et la société Total en contrat de travail, ainsi que l'application de l'article L. 781-1 du Code du travail, devenu L. 7321-3, aux termes duquel « Le chef d'entreprise (...) n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ».

La cour d'appel, estimant que « la société Total Raffinage Marketing conservait un vaste pouvoir d'organisation et de contrôle de l'exploitation », et ce en considération de nombreux indices (par ex. l'obligation édictée par la société Total d'ouverture 24 heures sur 24 et sept jours sur sept) et que les gérants ne disposaient pas d'une réelle autonomie dans la relation contractuelle, notamment en ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail des salariés de la succursale, la société Total devait endosser les responsabilités édictées à l'article L. 7321-3 et aux dispositions du livre 1, 3e et 4e parties du Code du travail relatives aux heures supplémentaires et autre réglementation du temps de travail, de l'hygiène et de la sécurité. La Cour de cassation confirme cette décision, rappelant que la cour d'appel, qui devait, aux termes de l'article L. 7321-3 du Code du travail, déterminer si la société Total avait fixé dans les faits les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans la station-service n'était pas liée par le seul contenu des dispositions contractuelles liant les parties, ni tenue de prendre en considération l'engagement de personnel par les époux R. Dès lors, les conditions d'application de l'article L. 7321-3 étaient satisfaites.

Par ailleurs, la cour d'appel ayant requalifié la relation des parties en contrat de travail, et condamné la société Total au versement de salaires et autres indemnités, celle-ci demande la compensation entre les sommes versées au titre de la location gérance et les salaires dus, argumentant du fait que l'exercice d'une même activité ne peut être rémunéré deux fois. La Cour de cassation confirme sur ce point encore la décision de la cour d'appel : « la compensation implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties » ; dès lors, les rémunérations perçues par les époux R. en tant que gérants de la société R. leur ayant été versées par cette société et non par la société Total, laquelle n'est ainsi aucunement créancière des époux R. à ce titre, aucune compensation ne pouvait être opérée entre la créance des époux R. sur la société Total et les sommes perçues par eux de la société R.



Sources :

Cass. soc., 17 nov. 2010, n° 09-65.081, FS-P+B, époux R. c/ Total raffinage marketing : JurisData n° 2010-021339