Attention à sa requalification en prix d’acquisition d’un élément d’actif !

Le Conseil d’Etat vient de clarifier les cas dans lesquels un abandon de créance concomitant à une acquisition de titres est susceptible de constituer le coût d’acquisition d’éléments incorporels de la cible (CE 23 juillet 2010, n° 317025).

Un abandon de créance concomitant à l’acquisition de titres peut être assimilé au prix d’acquisition du fonds de commerce de la cible…

Un abandon de créance accordé par une société mère à sa filiale est en principe constitutif d’une charge, déductible si certaines conditions sont remplies (MC 2153-1).

Toutefois, lorsque l’abandon est concomitant à une prise de participation substantielle, l’Administration peut être tentée de requalifier l’opération.

Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de limiter ces tentatives en jugeant qu’un abandon de créance accordé à une filiale qui vient d’être acquise ne constitue pas un complément du prix d’achat de ces titres, dès lors que les titres ont été acquis au juste prix (CE 23 octobre 1991, n° 71791, 6 novembre 1998, n° 151804 ; MC 1918-5).

Dans l’affaire jugée, une société :

  • avait accru de 20 % à près de 100 % son pourcentage de participation dans une de ses filiales exploitant, sous la même enseigne, une grande surface dans la même zone de chalandise ;
  • et lui avait concomitamment consenti deux abandons de créances.

Peu de temps après, la filiale avait déposé son bilan et la société mère avait vu son chiffre d’affaires ainsi que sa surface de vente augmenter.

L’Administration analyse alors l’abandon comme le prix d’acquisition du fonds de commerce de la filiale dissoute.

… si certaines conditions strictes sont remplies

Le Conseil d’Etat n’a pas suivi l’Administration fiscale. Il a considéré que l’abandon de créance ne constituait pas la contrepartie de l’acquisition des éléments incorporels du fonds de commerce de la filiale, constitués par la clientèle et la surface de vente, aux motifs que :

  • la clientèle de la filiale dissoute s’est répartie sur l’ensemble des distributeurs de la zone de chalandise ;
  • l’augmentation du chiffre d’affaires de la société mère est inférieure à celui que réalisait sa filiale ;
  • le transfert de la surface de vente n’a été possible qu’avec l’autorisation de la commission départementale d’équipement commercial qui ne l’a accordée que deux ans plus tard (après un premier refus).

La prudence est donc de mise !

Même si en l’espèce, la requalification d’un abandon de créance en prix d’acquisition d’un fonds de commerce n’a pas été reconnue, le Conseil d’Etat semble toutefois en admettre la possibilité.

D’ailleurs, dans la même affaire, la Cour de cassation, saisie en matière de droits d’enregistrement, a jugé, au contraire, que l’abandon caractérisait l’acquisition du fonds de commerce de la filiale (Cass. com. 16 décembre 2008, n° 08-11.419).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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