Cass. 1e civ. 14 octobre 2010 n° 09-16.967 (n° 878 F-PB), Sté Chartis Europe c/ Mutuelles du Mans assurances (MMAIARD)

L’incendie criminel qui a causé la perte du bien déposé ne peut constituer un cas de force majeure exonérant le dépositaire de sa responsabilité que s’il est le fait d’une personne étrangère à l’entreprise dépositaire.

Le dépositaire n’est tenu que d’une obligation de moyens mais il lui incombe, en cas de perte ou de détérioration du bien déposé, de prouver qu’il y est étranger, en établissant qu’il a donné à ce bien les mêmes soins que ceux qu’il aurait apportés à la garde des choses lui appartenant ou en démontrant que la détérioration est due à la force majeure. Par principe, la force majeure ne peut pas être constituée par le fait du débiteur ou de son préposé ou substitué.

Une cour d’appel avait jugé que l’incendie criminel qui avait détruit les marchandises confiées à la garde d’un dépositaire (en l’espèce, une entreprise de logistique) constituait un cas de force majeure l’exonérant de sa responsabilité.

Après avoir rappelé les principes ci-dessus, la Cour de cassation a censuré cette décision, reprochant aux juges d’avoir retenu la force majeure sans relever que l’incendie était dû à une personne étrangère à l’entreprise dépositaire.

à noter

Confirmation de jurisprudence en ce qui concerne l’obligation de moyen renforcée mise à la charge du dépositaire (Cass. 1e civ. 11-7-1984 n° 83-13.754 : Bull. civ. I n° 230 ; Cass. 1e civ. 30-3-2005 n° 643 : RJDA 7/05 n° 806 ; Cass. 1e civ. 7-2-2006 n° 04-19.972 : Contrats, conc., consom. 2006 comm. n° 101 note L. Leveneur ; Cass. 1e civ. 22-5-2008 n° 06-17.863 : RJDA 10/08 n° 1011).

S’agissant de la force majeure, la Cour de cassation reprend une solution ancienne. L’événement de force majeure est classiquement défini comme un événement imprévisible, irrésistible et extérieur. La question s’est posée de savoir si l’extériorité est encore un élément constitutif de la force majeure depuis qu’un arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation a reconnu que la maladie du débiteur peut constituer un cas de force majeure (Cass. ass. plén. 14-4-2006 n° 02-11.168 : RJDA 7/06 n° 753, 1e espèce). Dans la décision ci-dessus, la première chambre civile réaffirme nettement que cette condition reste exigée et elle en précise les contours : l’extériorité suppose que l’événement ne soit pas imputable au débiteur ou à des personnes qui agissent pour son compte, tels que ses salariés (Cass. 2e civ. 24-10-1973 n° 72-12.396 : Bull. civ. II n° 269) ou ses substitués.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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