Cass. com. 14 décembre 2010 n° 09-16.755 (n° 1319 FS-PB), Sté C&I c/ Sté Tavola SPA

La seule existence de relations commerciales entre le déposant d'une marque et le revendiquant ne suffit pas à établir la mauvaise foi du déposant.

L'action en revendication de la propriété d'une marque se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement, à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi (CPI art. L 712-6).

Une société française, qui avait créé un désodorisant en forme d'œuf, l'avait commercialisé en Italie par l'intermédiaire d'un distributeur avec lequel elle était déjà en relation commerciale. Celui-ci avait déposé une marque internationale tridimensionnelle visant la France et reproduisant à l'identique la forme du désodorisant. Plus de trois ans après ce dépôt, la société française avait agi en revendication de la partie française de la marque, faisant valoir que le distributeur avait déposé cette marque frauduleusement et de mauvaise foi.

Après avoir précisé que la mauvaise foi ne pouvait pas se déduire de la seule existence de relations commerciales entre les parties, la Cour de cassation a jugé que le distributeur n'était pas de mauvaise foi dès lors qu'il avait expliqué à la société française avoir procédé au dépôt contesté pour empêcher un tiers de lancer sur le marché une copie du produit et qu'il avait proposé à la société de lui céder les droits sur la marque internationale contre le seul remboursement des frais d'enregistrement.

Par suite, l'action en revendication était prescrite.

à noter

La Cour de justice européenne, interrogée sur la notion de mauvaise foi du déposant d'une marque communautaire, a jugé que le fait que le déposant sache qu'un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l'enregistrement est demandé ne suffit pas, à lui seul, à démontrer l'existence de la mauvaise foi du demandeur. Elle a précisé qu'il convient de prendre en considération l'intention du demandeur au moment du dépôt de la demande d'enregistrement (CJCE 11-6-2009 aff. 529/07 : Rec. I-4893). La Cour de cassation fait application de ces principes dans l'arrêt rapporté.

Il appartient au revendiquant de prouver la mauvaise foi du déposant. En précisant que celle-ci ne peut pas résulter de la seule existence de relations commerciales entre les parties, la Cour de cassation indique que la connaissance par le déposant de l'usage du signe par un tiers ou de la nécessité pour celui-ci de l'utiliser est un élément à prendre en compte pour établir la mauvaise foi du déposant mais est insuffisant. Il faut en outre démontrer que le déposant avait une intention de nuire au moment du dépôt. Jugé que tel était le cas du producteur qui avait personnellement déposé à titre de marque le pseudonyme qu'il avait attribué à une artiste-interprète, alors qu'il savait qu'elle en avait besoin pour exercer son activité et que, sans ce signe, elle ne pourrait jamais travailler avec un autre producteur (Cass. com. 25-4-2006 n° 04-15.641 : RJDA 8-9/06 n° 967).

Au cas particulier, la société française soutenait que la mauvaise foi du distributeur était avérée puisqu'il avait attendu un an pour l'informer du dépôt de la marque. Son argumentation n'a pas été retenue car si la mauvaise foi s'apprécie au moment du dépôt, elle peut, en tant que fait juridique, être établie ou écartée à l'aide d'éléments postérieurs au dépôt.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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