Cass. 3e civ. 1er décembre 2010 n° 09-16.126 (n° 1412 FS-PB), Sté études et placements et finances (SEPF) c/ Cne de la Tour-en-Faucigny

Ne bénéficie pas d'une faculté de rachat le vendeur d'un terrain qui se réserve un droit de préférence en cas de rétrocession de celui-ci si l'acheteur ne respecte pas son obligation contractuelle de construire.

Une commune avait vendu un terrain à bâtir avec l'obligation pour l'acheteur d'y édifier des constructions dans un délai de quatre ans. A défaut, celui-ci s'obligeait à rétrocéder le terrain dans un délai d'un an à une personne physique ou morale susceptible de terminer les constructions en cours. La commune se réservait un droit de préférence sur cette rétrocession, moyennant le remboursement du prix de vente qu'elle avait perçu. Près de 30 ans après la vente, la commune avait demandé la restitution du terrain en vertu de ce droit de préférence.

Pour s'opposer à cette demande, l'acheteur avait fait valoir que la commune ne bénéficiait pas d'un droit de préférence, un tel droit n'existant que si le propriétaire est libre de céder ou non son bien ; or le contrat lui faisait obligation de le rétrocéder en cas de non-construction dans quatre ans. La commune bénéficiait selon lui d'une faculté de rachat, puisque le contrat lui permettait de reprendre le bien vendu moyennant restitution du prix et des frais ayant augmenté la valeur du bien, mais cette faculté était devenue caduque : en effet, l'article 1660 du Code civil prévoit que la faculté de rachat ne peut être stipulée pour un terme excédant cinq années et plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis la vente.La Cour de cassation n'a pas suivi cette argumentation. La commune bénéficiait bien d'un droit de préférence qu'elle ne pouvait exercer qu'à l'occasion de l'exécution par l'acheteur de son obligation de rétrocession, laquelle impliquait une seconde vente. à noter

La vente avec rachat (appelée vente à réméré jusqu'à la loi 2009-526 du 12-5-2009) est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre le bien vendu, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais liés à la vente, aux réparations nécessaires et à celles qui ont augmenté la valeur du bien (C. civ. art. 1659 et 1673). La faculté de rachat est conçue comme une forme de condition résolutoire : elle n'aboutit pas à la conclusion d'un nouveau contrat mais à l'anéantissement rétroactif de la vente initiale (Cass. 3e civ. 31-1-1984 n° 82-13.549 : Bull. civ. III n° 21). En l'espèce, le vendeur ne se réservait pas une telle faculté : l'acheteur était tenu de revendre le terrain à un tiers, et non à son vendeur, s'il n'y construisait pas des bâtiments d'habitation dans les quatre ans suivant la conclusion de la vente ; le vendeur n'avait qu'un droit de priorité dans le cadre d'une telle vente.

L'intérêt de qualifier la vente de vente avec rachat tenait aux conséquences attachées à une telle opération. Le vendeur est tenu d'exercer le rachat dans le délai fixé, qui ne peut pas excéder cinq années (C. civ. art. 1660). A défaut d'exercice de son droit dans ce délai, il est déchu de plein droit et l'acheteur demeure propriétaire irrévocable (C. civ. art. 1662).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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