CA Versailles 7 octobre 2010 n° 09-5115, 12e ch. sect. 1, Sté Nouvelle Sartex c/ Sté Dim

Ne commet pas d'abus le fabricant qui rompt, dans le cadre de la restructuration de son réseau et avec un préavis de six mois, un contrat de distribution à durée indéterminée.

Un fabricant avait confié, pour trois ans, à un distributeur établi en Guadeloupe la distribution exclusive de ses produits sur les Antilles et la Guyane françaises. A son terme, le contrat avait été tacitement reconduit. Le fabricant l'avait rompu trois ans plus tard en invoquant une restructuration de son réseau de distribution. Le distributeur avait alors réclamé des dommages-intérêts pour rupture abusive.

La cour d'appel de Versailles a rejeté cette demande pour les raisons suivantes :

  • nonobstant des tentatives de négociations, aucun nouveau contrat à durée déterminée n'avait été signé entre les parties et le contrat initial s'était poursuivi par tacite reconduction pour une durée indéterminée ; par ailleurs, même s'il avait contribué au développement de la clientèle du fabricant sur le marché antillais, ce contrat n'était pas un mandat d'intérêt commun car il précisait que « le distributeur achète et revend pour son compte et à ses risques et périls » ; en conséquence, le fabricant pouvait résilier à tout moment le contrat, sans justifier d'un motif, sous réserve de respecter un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et des usages du commerce ; le fabricant avait accordé un préavis de six mois à son cocontractant afin de lui permettre sa reconversion et celui-ci ne prétendait pas que ce délai n'était pas raisonnable ;
  • le distributeur ne pouvait pas utilement soutenir, pour caractériser la déloyauté du fabricant, que son représentant ne l'avait pas averti, lors de sa visite annuelle survenue quinze jours avant la notification de la résiliation du contrat, ni de celle-ci ni de la réorganisation du réseau ; en effet, la résiliation d'un contrat de concession n'est pas constitutive d'un abus lorsqu'elle s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation du réseau du concédant ; il ne pouvait pas être reproché au fabricant, qui avait choisi de réduire le nombre de ses interlocuteurs, d'avoir retenu pour la zone des DOM un distributeur situé à la Réunion et non à la Guadeloupe ; cette restructuration étant réelle, elle ne constituait pas un prétexte fallacieux de résiliation du contrat ; le fabricant n'avait aucune obligation d'annoncer sa volonté de résilier le contrat avant les six mois de préavis ; si une décision de restructuration est réfléchie au sein du groupe, les distributeurs ne sont pas nécessairement associés à ces réflexions ;
  • le distributeur ne pouvait pas non plus prétendre être dans une situation de dépendance économique vis-à-vis du fabricant dès lors qu'il n'était tenu à aucune exclusivité à l'égard de celui-ci et qu'il disposait de fournisseurs concurrents ; il ne démontrait pas que le fabricant lui avait demandé des investissements particuliers ; il avait bénéficié d'un délai de six mois, dont il ne critiquait pas la durée, pour se réorganiser ; enfin, le fabricant avait organisé une réunion avec lui pour discuter des modalités de la fin de leurs relations commerciales et lui avait proposé, nonobstant une clause contraire du contrat, de lui racheter ses stocks et de l'indemniser pour ses éventuels investissements, proposition à laquelle le distributeur n'avait pas donné suite.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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