Cass. com. 28 septembre 2010 n° 09-66.255 (n° 915 FS-PBRI)

Une infraction pénale intentionnelle constitue une faute séparable des fonctions de gérant de SARL qui engage la responsabilité civile de celui-ci à l'égard des tiers.

La Cour de cassation vient de juger que le gérant de SARL qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l'égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice.

Commet une faute séparable le gérant d'une SARL chargée de travaux de rénovation immobilière chez des particuliers qui avait sciemment accepté d'ouvrir le chantier sans que la société ait souscrit l'assurance-construction obligatoire, ce qui constitue un délit (CCH art. L 111-34 et C. ass. art. L 243-3). à noter

1° Solution de principe.

La responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions, c'est-à-dire s'il a commis intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales (Cass. com. 20-5-2003 n° 851 : RJDA 8-9/03 n° 842 concl. R. Viricelle p. 717). Dans une décision récente, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait déjà retenu la responsabilité personnelle du dirigeant d'une société qui n'avait pas souscrit les assurances obligatoires dommages-ouvrages et responsabilité, mais un dépassement d'objet social s'ajoutait au défaut d'assurance, de sorte que la portée de la décision était incertaine (Cass. com. 18-5-2010 n° 09-66.172 : BRDA 11/10 inf. 2). La troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé au contraire que, même constitutif d'un délit, le défaut de souscription des assurances-construction obligatoires n'est pas séparable des fonctions de dirigeant (Cass. 3e civ. 4-1-2006 n° 1 : RJDA 8-9/06 n° 916). Il faudra attendre qu'une chambre mixte mettre fin à cette opposition.

2° Que faut-il entendre par infraction pénale intentionnelle ? Le Code pénal ne donne pas de définition de l'infraction pénale intentionnelle. Il se borne à affirmer qu'en principe, il n'y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre (art. 121-3, al. 1). Il précise toutefois que si la loi le prévoit, certains délits (dits « non intentionnels ») peuvent être commis par simple imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité (art. 121-3, al. 2). Les contraventions sont quant à elles le plus souvent des infractions non intentionnelles. En résumé, les crimes sont toujours intentionnels et les délits le sont en principe, sauf dispositions contraires (F. Desportes et F. Le Gunehec : Droit pénal général Economia 16e édition p. 428). Le risque pour le dirigeant de voir engagée sa responsabilité civile personnelle pour faute détachable en raison de la réalisation d'une infraction pénale intentionnelle n'est donc pas négligeable.

3° Dans l'affaire ci-dessus, la cour d'appel avait considéré qu'il n'y avait pas de faute séparable car le gérant négociait avec une compagnie d'assurances au moment du démarrage du chantier litigieux et avait pu penser que la SARL était garantie ou à la veille de l'être, seul le contrat finalement signé le même mois ayant établi qu'il n'y avait pas de reprise du passé.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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