Cass. 3e civ. 6 octobre 2010 n° 08-20.959 (n° 1206 FS-PB), Mélési c/ Balland

L'associé de société civile poursuivi en paiement des dettes sociales peut former tierce opposition contre la décision ayant condamné la société à payer s'il invoque des moyens propres.

La Cour de cassation vient de juger que le droit effectif au juge (prévu par l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) implique que l'associé d'une société civile, poursuivi en paiement des dettes sociales, dont il répond indéfiniment à proportion de sa part dans le capital social, soit recevable à former tierce opposition à l'encontre de la décision ayant condamné la société à payer, dès lors que cet associé invoque des moyens que la société n'a pas soutenus.

à noter

La tierce opposition à un jugement est une voie de recours extraordinaire que peut former toute personne qui y a intérêt, à condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement attaqué (CPC art. 583, al. 1). Or, les associés d'une société sont, dans les rapports entre celle-ci et les tiers, représentés par l'organe représentant la personne morale (Cass. 3e civ. 20-2-2002 n° 361 : RJDA 10/02 n° 1042).

Par cet arrêt de principe, la troisième chambre civile de la Cour de cassation fait application de l'exception prévue à l'alinéa 2 de l'article 583 du Code de procédure civile : l'invocation de moyens propres par une personne qui serait normalement considérée comme représentée. Auparavant, se fondant elle aussi sur le droit effectif au juge la chambre commerciale avait déclaré recevable la tierce opposition formée par l'associé d'une société civile contre le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société dont il est indéfiniment et solidairement responsable des dettes sociales (Cass. com. 19-12-2006 n° 05-14.816 : RJDA 5/07 n° 533) ou contre le jugement ayant fixé une créance dans une instance en paiement engagée contre une société civile avant l'ouverture de sa liquidation judiciaire (Cass. com. 26-5-2010 n° 09-14.241 : Rev. sociétés 2010 p. 406 note Ph. Roussel Galle).

La troisième chambre civile étend cette solution en dehors de tout contexte de liquidation judiciaire en posant une condition, seule de nature à justifier une exception à la représentation de l'associé par le dirigeant de la société : l'associé doit être poursuivi en paiement. La solution ci-dessus rapportée, rendue à propos d'une société civile, est à notre avis applicable aux associés de sociétés en nom collectif et aux associés commandités de sociétés en commandite qui sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

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