Cass. com. 9 novembre 2010 n° 09-70.726 (n° 1140 FS-PB), Sté Beauté esthétique c/ Sté Detraz et compagnie – Les Menaux

Les stipulations d’un pacte de préférence visant notamment l’apport en société d’un immeuble ne s’appliquent pas lorsqu’il est transmis dans le cadre d’une fusion-absorption.

Un bail commercial portant sur un immeuble appartenant à une société accordait au locataire un droit de préférence en cas de vente, d’échange ou d’apport en société de l’immeuble loué. La société ayant par la suite fait l’objet d’une fusion-absorption, l’immeuble avait été transmis à la société absorbante. Le locataire avait fait valoir que cette opération constituait une violation du pacte de préférence et demandé l’annulation de l’apport de l’immeuble ainsi réalisé.

La Cour de cassation a rejeté sa demande au motif que l’opération de fusion-absorption, qui entraîne la dissolution sans liquidation de la société absorbée et la transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante et qui n’a pas pour contrepartie l’attribution à la société absorbée de droits sociaux au sein de la société absorbante, ne constitue pas un apport fait par la première à la seconde.

En conséquence, la fusion n’étant pas un apport en société, elle n’était pas intervenue en violation du pacte de préférence.

à noter :

La Cour de cassation applique restrictivement les conventions prévoyant un droit de préférence ou de préemption. Ainsi, elle a récemment refusé d’appliquer à un apport une convention prévoyant un droit de préemption « en cas de cession » (Cass. com. 15-12-2009 n° 08-21.037 : RJDA 4/10 n° 377 rapport R. Salomon p. 324 ).

Elle confirme que peu importe le résultat de l’opération en cause (le transfert de propriété du bien objet du droit de préemption). Il convient seulement de s’attacher à sa nature juridique. De ce point de vue, l’apport et la cession ou l’apport et la fusion-absorption sont incontestablement des opérations qui ne peuvent pas être assimilées.

Il a déjà été jugé que la clause d’un pacte d’actionnaires qui définit largement le champ d’application d’un droit de préemption en visant toute cession, échange, apport en société, nantissement, donation, n’évoque qu’une cession isolée et ne saurait donc concerner le cas de transmission à titre universel résultant d’une fusion (CA Paris 18-2-2000 : RJDA 6/00 n° 662 et sur pourvoi Cass. com. 28-4-2004 n° 672 : RJDA 8-9/04 n° 983 ).

On ne saurait trop conseiller aux parties qui concluent un pacte de préférence de prévoir expressément les cas de fusion, scission et apports partiels d’actifs, si elles souhaitent l’application de leur pacte à ces opérations. Plutôt que de lister toutes les opérations, elles peuvent aussi utilement se référer au transfert du bien objet du pacte (pour un exemple de rédaction d’une clause de préemption ayant un champ d’application très vaste, voir MSC n° 69167).

Auteur : Editions Francis Lefebvre

Pour accéder au site des Editions Francis Lefebvre, cliquez ici