Cass. 1e civ. 9 décembre 2010 n° 09-10.141 (n° 1131 FS-PBI), Destouesse Colman c/ SCP Bousquet

Dérogeant à la compétence exclusive du président du tribunal en matière d'expertise fondée sur l'article 1843-4 du Code civil, la Cour de cassation permet au conseiller à la mise en état de demander à l'expert désigné d'actualiser son rapport.

Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible (C. civ. art. 1843-4). Si, en vertu de ce texte, le président du tribunal a seul le pouvoir, à défaut d'accord des parties, de désigner un expert chargé de l'évaluation des droits sociaux, il ne fait pas obstacle à ce que l'actualisation du rapport soit confiée au même expert, en cause d'appel, par le conseiller de la mise en état. à noter

La compétence du président du tribunal pour désigner l'expert prévu par l'article 1843-4 du Code civil est exclusive (Cass. com. 30-11-2004 n° 03-13.756 et n° 03-15.278 : RJDA 3/05 n° 270 ; Cass. com. 9-2-2010 n° 09-10.800 ; voir toutefois Cass. 3e civ. 6-11-2002 n° 01-12.821 : Dr. Sociétés 2003 n° 65 note F. -X. Lucas, admettant la compétence du tribunal en sa forme collégiale). En conséquence, une cour d'appel ne peut pas valablement désigner cet expert (Cass. 1e civ. 25-11-2003 n° 00-22.089 : RJDA 5/04 n° 568 ; Cass. com. 30-11-2004 précité), pas plus qu'elle ne peut procéder à elle-même à l'évaluation (Cass. 1e civ. 25-1-2005 n° 01-10.395 : RJDA 5/05 n° 565). La première chambre civile de la Cour de cassation apporte ici une atténuation au principe en reconnaissant un certain pouvoir en la matière au conseiller de la mise en état devant la cour d'appel. Au cas particulier, un notaire associé d'une société civile professionnelle (SCP) s'en était retiré en raison d'une profonde mésentente avec les autres associés et un litige était né sur la valeur de rachat de ses parts. Un expert, désigné en application de l'article 1843-4, avait rendu son rapport en 1993 mais l'arrêté ministériel prononçant le retrait du notaire avait été publié deux ans plus tard alors que le litige était pendant devant la cour d'appel. Le conseiller de la mise en état avait alors demandé au même expert d'évaluer les parts de la SCP au jour de la publication de l'arrêté ministériel. C'est en effet à cette date que l'expert doit procéder à l'estimation en cas de retrait d'une SCP (Cass. 1e civ. 16-3-2004 n° 01-00.416 : RJDA 7/04 n° 852 ; Cass. 1e civ. 28-6-2007 n° 06-18.074 : RJDA 11/07 n° 1127, décisions rendues dans la même affaire que celle commentée). La solution va certes dans le sens d'une accélération du traitement du contentieux mais elle suscite des interrogations. Si on estime que la mission de l'expert de l'article 1843-4 prend fin au moment où il rend son rapport, lui demander une actualisation de ce dernier s'analyse en une nouvelle désignation qui, on l'a vu, n'entre pas dans les pouvoirs de la cour d'appel et encore moins dans ceux du conseiller à la mise en état. La première chambre civile ne vise ici que le cas où l'actualisation est demandée au même expert et la solution ne peut pas, à notre avis, être étendue au cas où un autre expert serait chargé de cette mission.

Auteur : Editions Francis Lefebvre

Pour accéder au site des Editions Francis Lefebvre, cliquez ici